samedi 25 mai 2013

D'un message à l'autre

Un pauvre petit message attend sagement qu’on le lise, mais personne ne s’y risque, personne ne prend le temps de l’ouvrir et de s’atteler à le détailler… personne ne pense à venir voir s’il existe, s’il s’est matérialisé par des mots depuis qu’il est né dans les pensées d’un être humain. Du coup, ce petit message s’ennuie de ne pas être lu, de ne pouvoir donner tout ce qui fait son essence, de ne pas pouvoir s’adonner au plaisir de sentir sur lui le regard de celui à qui il est adressé, de ne pas voir sourire le lecteur au fil de ces quelques lignes, sourire que ce petit message voudrait tant voir s’agrandir et devenir énigmatique,  et pourquoi pas mystérieux et  rappellerait à cet anagnoste qu’au fond de ses yeux brille encore cette lueur, cette petite lumière d’amour même si ce liseur met cette loupiotte bien souvent en veilleuse. Ce petit message voudrait lancer en écho sa toute petite voix pour dire qu’il voudrait seulement que ce futur lecteur pense à regarder ses messages et qu’ainsi il puisse découvrir tous ces petits mots tout doux qui l’attendent et s’excitent, se chagrinent de ne pas être découverts .
Ce petit message aimerait tant que tu sois leur inventeur, qu’il devienne ainsi ton trésor et qu’il t’appartienne entièrement à toi le lecteur de son cœur. Oui, en fait tu pourrais être l’inventeur de ce cœur non artificiel qui bat dans les messages, qui bat parfois doucement, parfois trop vite selon les humeurs, selon le rythme de cette vie que vivent les messages, selon l’entourage qui soit les paralyse, soit les cajole. Toi tu pourrais être l’inventeur de ce cœur de message et lui apprendre encore tout plein de choses, le faire grandir et rajouter des mots d’amour à sa missive, le faire aimer encore, le faire chanter très fort… tu pourrais être celui qui l’apprivoise et dont il ne pourrait plus se passer. Inventeur de cœur de message deviendrait ton métier, et du coup, tu n’aurais plus besoin de parcourir le monde à la recherche d’un cœur perdu, à la recherche du temps qui passe, à la recherche de l’arche de l’amour puisque tu l’aurais trouvé dans ce pauvre petit message et cette richesse serait dans ce cœur dont tu serais le découvreur, le bel inventeur, le bien faiseur puisque ce cœur finirait par s’épanouir jusqu’à devenir ton cœur…

Et lorsque tu aurais fini de lire cette missive, tu écrirais à ton tour un message d’amour qui viendrait frapper à la porte d’un autre cœur et noterait sur son ordinateur : vous avez un nouveau message ! 

mercredi 22 mai 2013

Jalousie


La jeune fille s'était levée pour saluer sous les bravos et les vivats.Le concert était fini. Debout, les auditeurs applaudissaient à tout rompre,criaient "bis", "encore", et refusaient de partir.
Stella se figea légèrement, elle n’avait pas prévu de jouer aussi longtemps. Des coulisses, son agent lui faisait signe de reprendre la sonate numéro 26 de Beethoven  qu’ils avaient répétée ensemble la semaine dernière, mais Stella n’y tenait pas vraiment et restait là, debout devant son public à saluer encore, à sourire béatement et dans sa tête un ouragan s’installait…
Il faut dire qu’elle savait ce qui l’attendait en rentrant chez elle, elle savait ce qu’elle devrait faire pour calmer l’amoureux qui lui ferait une scène terrible pour cette infidélité, pour ce moment de plaisir qu’elle avait pris à offrir cette prestation devant un public mélomane.  A chaque fois, c’était la même chose, elle rentrait fatiguée mais heureuse de ces concerts donnés et lorsque qu’en ouvrant la porte, elle  se retrouvait face à lui, elle sentait la colère de  celui qui depuis sa plus tendre enfance l’avait amené à ce succès. Elle lui avait accordé tant de temps pourtant, mais il en demandait encore, il la voulait tout à lui et ne supportait pas de se savoir trahit par un autre, plus grand, plus beau, plus luisant que lui. Et c’était là tout le drame de la vie de Stella. Elle devenait esclave de celui qui n’aurait du être que son  complice.  Elle s’asseyait alors devant lui, le frôlait de ses doigts, le caressait tendrement, l’effleurait simplement, attendant de lui qu’il lui rende sa tendresse, mais ces soirs là, rien ne se passait, il refusait carrément de  répondre à cette douceur et lui opposait un silence borné.
Patiemment elle lui parlait, lui racontait comment sa réussite venait de lui, comment elle lui devait toute sa vie, et que sans lui, elle n’aurait pas pu vivre cette passion dévorante qu’est la musique. Alors seulement, il acceptait de nouveau qu’elle l’effleure doucement, qu’elle le câline du bout de ses doigts, qu’elle laisse glisser ses mains affectueusement sur lui dans un adagio timide, qu’elle ferme les yeux pour mieux s’imprégner de leur fusion. Puis il lançait quelques notes en sourdine, s’enhardissait pour reprendre leur duo et enfin laissait s’envoler en crescendo leur passion mutuelle pour la musique.
Et dans un accord parfait, Stella et son cher piano composaient les plus belles symphonies jamais jouées !

jeudi 9 mai 2013

Dessine-moi un œuf !



Dessine-moi un mouton ? demanda le petit prince à l’aviateur qui venait de poser en urgence son avion dans le désert…Cet aviateur aurait pu être le frère de René Magritte qui, lorsqu’on lui demandait de dessiner un œuf, nous reportait sur la toile un oiseau… Après, à savoir si cet oiseau était bien celui qui allait sortir de l’œuf, il fallait évidemment le temps de le couver… quand au mouton du petit Prince, celui dont l’image représentait la caisse avec le mouton à l’intérieur,  c’était exactement celui que voulait le petit prince !
Coup de chance ou pas, le dessinateur aviateur, qui peut-être avait pris un coup sur la tête, lors du crash, avait réussi un coup de maître ! Sauf qu’il ne s’appelait pas Magritte, il est vrai, mais qui dit qu’il n’avait pas en tête cette clairvoyance ?
D’autant que notre aviateur s’était moins compliqué la vie que notre René, une caisse étant plus facile à dessiner qu’un oiseau… Bon, peut-être s’étaient ils rencontrés lors d’un salon de la peinture, ou d’un dîner mondain réunissant la noblesse lyonnaise et la bourgeoisie belge de l’époque… Un jour, où il y avait au menu des œufs mimosa en entrée, et un ragoût de mouton en plat… pourquoi pas ? Ils se seraient trouvés assis l’un à côté de l’autre et auraient commencé à parler peinture…
-          Et vous, si on vous demandait de dessiner un œuf, vous feriez quoi, aurait demandé Antoine,
-          Heu, je crois que je ferais un oiseau bien sur, pourquoi cette question ?
-          Heu, simplement, parce que si un jour un petit prince me demandait de lui dessiner un mouton et que je n’arrivais pas à le satisfaire, je finirais par lui dessiner la caisse où se trouve le mouton dont il rêve…
-          Oui, bonne idée, ainsi il pourrait se l’imaginer, répondrait alors René
-          Oui, et sur qu’il l’aimerait et qu’il pourrait l’emmener chez lui, sur sa petite planète et ce mouton là correspondrait tout à fait à celui qu’il attendait ! mais vous, votre œuf, êtes vous certain que l’oiseau que vous dessineriez, serait bien celui que l’on attendrait ?
-          Oh, vous savez, personne ne s’en soucierait, la princesse qui me demanderait de dessiner cet œuf, n’aurait pas de planète et comme ce serait en plus d’une gourmande, une bonne cuisinière, je la soupçonnerais d’avoir pensé qu’il serait bon d’attendre que l’œuf éclos afin de se farcir l’oiseau !
Et sur ce, ils avaleraient tous les deux leur repas sans plus échanger de parole, ruminant chacun leur prochaine œuvre… 

jeudi 2 mai 2013

Trop vite...


Descendre en route de ce train trop rapide, est ce possible ? Juste pour un moment se dérouiller les jambes et s’arrêter juste le temps de reprendre son souffle, est-ce trop demander à la vie ? Peut-on avoir droit à un répit ?
Si oui, où faut-il le demander, où doit-on le réclamer ? Dis-moi, où faut-il signer pour avoir droit à ce congé, en bas de quelle page pleine de gribouillis, dois-je griffonner mon grigri ?
Juste un moment de délice, un moment de surprise calme et tranquille, sans stress, sans rien de rapide, un coton de douceur, dans cette vie de brute et de folies…veux-tu le vivre avec moi, veux-tu toi aussi cette pause sur cette page ? ce retour en arrière, ce come back sur nos vie, ce voyage volé à la vie, ces minutes qui pour d’autres n’existent pas , n’ont même pas vu le jour, n’ont pas pu survivre au mouvement trop rapide de nos vies… ces quelques jours dérobés au brouillard, avec cette poudre aux yeux, ils n’y verront que du feu, mais nous on sait, nous on se rappelle, nous on a apprit qu’il est possible de changer le cours des choses, juste un temps, juste un peu, sans voler plus qu’il ne faut aux choses établies, aux principes installés de certains qui ne peuvent savoir comment fuir cette folie, jouir vraiment de la vie jusqu’au bout de la nuit…
Alors si tu me suis, assis-toi sur le sentier, pose ta plume et viens danser, pose ta tête de l’autre côté, roule ta bosse dans le fossé. Arrête-toi et  réduit la distance entre nous, souris-moi simplement comme un fou, cherche comment surgir du néant, donnons-nous le temps d’avoir envie d’attendre que la vie ne s’arrête avant qu’elle ne soit prête. Juste un moment entre parenthèse, en se disant que le reste est foutaise…alors en avant marche pour cet arrêt sur image…