
Il se passe parfois des choses dans la vie qui font poser
plein de questions, des événements que l’on croit pouvoir contrôler un tant
soit peu, et qui nous échappent totalement… et quand je dis totalement, c’est
bien le bon mot… on se retrouve passif, oisif, un peu déboussolé, un peu
contrarié, à faire bonne figure devant tout ce monde réuni et dont on fait
partie en se demandant du coup, ce qu’on fait là… je suis bien consciente de ne
pas vous expliquer la raison de cet étourdissement qui m’a pris lorsque,
persuadés de nous rendre à l’anniversaire de notre fils et de son amie, nous nous sommes retrouvés
sur la place de la mairie après un soit disant jeu de piste, à regarder s’installer
un monsieur portant une banderole bleu blanc rouge, juste devant la porte de la
dite salle commune.
Alors on se demande ce qu’il fait là, on n’ose pas se dire
que c’est pour un mariage qu’il installe une table avec le joli buste de notre
Marianne nationale. Et puis, on est là pour un anniversaire, les trente ans de
notre fils, non ? Alors quand on voit arriver notre adorable grand garçon,
habillé bien drôlement pour un anniversaire : veston mauve, casquette
violette, cravate dans les mêmes tons, jolie chemise fleuri et pantalon presque
chic… on commence à laisser germer les questions qui refusaient d’aborder notre
cerveau bien embrumé par le refus de penser… et lorsque s’approche celle qui
partage sa vie depuis presque dix ans et qui nous a déjà donné deux adorables
petites filles, dans une tenue bien accordée à celle de notre fiston… une robe
bleue marine avec plein de tulles de toutes les couleurs en jupon, on se dit qu’il
se prépare un événement que là, on n’a pas, mais alors pas du tout vu venir. Enfin
pour être honnête, évidemment qu’un anniversaire dans un château, ça nous avait
paru un peu démesuré pour nos enfants, mais ils étaient deux à fêter leur
trente ans… notre fils et sa compagne, alors pourquoi pas ? Et puis
lorsque ce soupçon s’imposait à notre esprit, on le repoussait violemment avec
cette assurance : non, notre fils ne peut pas nous faire ça ! il nous l'aurait évidemment dit...
Enfin, nous voilà au jour J, celui où votre fils dit « oui »
à sa chère et tendre, et vous vous félicitez secrètement d’être allée chez le
coiffeur la veille. Bon, comme il fait froid, qu’il pleut à moitié, et que vous
vous croyiez juste dans un jeu de piste, vous n’avez sur vous qu’un vieux jean,
la doudoune de l’hiver, et des chaussures montantes histoire de ne pas vous
geler. Rien à voir avec la tenue somptueuse que vous auriez éventuellement pu
imaginer porter pour ce grand jour. Bon, tout ça passe encore, mais c’est vrai
que j’aurai aimé prendre le bras de mon fils et rentrer avec lui dans… la
mairie, ne m’illusionnant pas sur le reste (une église ? pourquoi faire ?),
mais non, rien de tout cela. Le maire, parce que c’est bien lui, se retrouve
planté devant une foule de curieux qui murmure que c’est tout de même drôle de
se marier ainsi, qui pose la question ouvertement devant le peu de famille qui
se trouve là… « Mais vous n’étiez pas au courant vous ? »… et
bien non, nous n’avons pas été mis dans la confidence, nous nous retrouvons au
même niveau que vous, les chers copains de mon fils… comme vous devant un
mariage anticonformiste, je crois que c’est le moins qu’on puisse dire, et
devant deux jeunes gens de 30 ans accompagnés de 4 témoins au courant et d’un
maire qui semble rire jaune devant cette assemblée frigorifiée. Tout est allé
très vite ensuite, tant mieux, il faisait si froid, un coup d’œil vers mon
mari, décomposé d’assister ainsi au premier mariage d’un de ses enfants, un
coup d’œil sur les beaux parents qui ne savent plus s’ils doivent sourire ou
pleurer… et moi le sourire un peu forcé, qui m'entends proposer à la fin de la cérémonie,
si on peut appeler ça comme ça, de faire une photo de groupe devant la belle
plaque marquée Mairie.
Une photo de groupe où tout le monde sourit quand même de cette surprise assez
incroyable pour ce mariage dont on se rappellera toute notre vie. N’était-ce
pas le but de ce cadeau que nous ont offert nos enfants… ?