lundi 24 juin 2013

Videur de Frigo


Un métier improbable : défi du samedi que je n'ai pas pu envoyer... dédicace pour mon frère Xavier qui m'en a soufflé l'idée... 

Le docteur Philippe DEFER, surnommé dans l’intimité, Phil, était un chasseur de grammes, entendez par là, qu’il avait étudié la diététique et qu’il était le meilleur dans sa profession pour vous faire perdre vos kilos en trop… Obsédé par la moindre rondeur, il était connu pour son professionnalisme et sa façon originale de vous couper l’appétit. Il avait dans ses habitudes de faire appel à un assistant dont le métier était : videur de frigo. En effet, lorsque qu’un client venait le voir afin de se faire aider pour retrouver une ligne de jeune premier, il avait droit à l’ordonnance complète et l’installation de cet assistant dans sa cuisine. Ce dernier arrivait avec sa valise et s’installait chez le client. Il apportait son lit de camp, et montait la garde devant le frigidaire du préposé à maigrir. A partir de ce moment, il était impossible au client de changer d’avis et ce dernier fondait à vue d’œil dès qu’il avait signé la convention très particulière avec le docteur DEFER.

Ce videur de frigo commençait son travail de façon très méthodique : il ouvrait le frigo et triait tous les ingrédients qui s’y trouvaient. Il mettait de côté tous les produits laitiers, d’autre part, les légumes, les pots de toutes sortes et commençait son travail de pesage. En effet, chaque produit était pesé et notre videur de frigo notait méticuleusement sur un listing le résultat trouvé sur sa balance.  Puis il notait son propre poids dans une colonne de ce récapitulatif et rangeait tout cela dans sa sacoche. Ce tableau lui permettrait par la suite de calculer ses honoraires et de présenter au propriétaire du frigo une note parfois très salée. Mais son travail ne s’arrêtait pas à ce scrupuleux tri, le videur de frigo, après s’être installé devant la table de la cuisine, une grande serviette autour du cou, se mettait à engloutir chaque ingrédient un à un en commençant par les produits salés, puis par les produits sucrés, sans oublier toutes les boissons quelles qu’elles soient, pour arroser ce repas. Repas parfois hétéroclite et pas vraiment diététique. Une fois le frigo vide, ce qui pouvait mettre plusieurs jours, notre videur s’essuyait la bouche et après un bon rot posait des scellés sur le frigo. Il se pesait alors une deuxième fois afin de vérifier qu’il avait bien tout avalé et pouvait faire la facture de sa prestation à ce pauvre client.  Ce dernier ne pouvait plus glisser quoi que ce soit dans son frigo et se trouvait obligé de faire un véritable jeûne qui l’amenait évidemment à perdre tous ses kilos superflus. Il n’avait plus alors, qu’à régler la note du videur qui repartait chez lui pour quelques jours de vacances afin de digérer sa belle profession … 

samedi 22 juin 2013

La grand-mère de Jade

Livre que j’ai adoré même si la fin est surprenante, voir décevante. Il faut donc très vite oublier l’épilogue pour laisser place à tous ces mots, toutes ces phrases qui ont câliné mon cœur tout au long de cette lecture. De mon crayon malhabile, j’ai rapidement recopié quelques lignes sur mon cahier dans l’idée de ne pas oublier ces petites phrases qui me parlaient si fort, mais lorsque je me suis vue entrain de recopier le livre presque entier, j’ai préféré me dire qu’il faudra que je relise ce livre plus tard, lorsque ses messages ne résonneront plus dans mon esprit.
Moment de choix quand l’auteur aborde la relation intergénérationnelle entre la grand-mère et sa petite fille. Ce temps qui passe à deux vitesses différentes et qui les font se rejoindre par la rencontre de l’autre, la découverte du secret de la mamie, ce temps qui coule dans les veines de chacune et leur permet de se connaitre autrement…
Moment savoureux sur le désir d’écrire un manuscrit, le plaisir et l’envie d’être lue, reconnue, éditée, devenir un écrivain à la hauteur du lecteur et le faire de façon lucide avec un regard bienveillant sur certaines de ses propres défaillances.
Moment d’extase lorsque l’amour arrive à ces deux êtres au même moment avec leurs décennies d’écart… l’amour n’a vraiment pas d’âge et se vit de tant de façons différentes !

Physiquement, passionnément, amoureusement pour cette jeune femme de 30 ans amoureux de cet indien rencontré dans le métro… Cérébralement,  modérément, pour cette mamie de 80 ans qui se prend d’amitié pour un vieil éditeur ! Mais pour toutes les deux un amour surprenant de force et d’émotions.  Ces Amours qui peuvent naître dans deux cœurs qui ne battent pas au même rythme et qui redonnent à chacune le gout de vivre, de légèreté et permettent de croire qu’en amour, tout est possible !

Poème du style d'André Breton

Dans le salon de madame des Ricochets
Les miroirs sont en grains de rosée pressés
La console est faite d’un bras dans du lierre
Et le tapis meurt comme les vagues.

Dans la cuisine de madame des Ricochets
La cafetière est couleur de la rage sauvage
La tasse fatiguée, n’est pas dans son assiette
Et le sucrier se poudre de sous-entendus.

Dans le couloir de madame des Ricochets
Le tableau de Magritte s’accroche aux yeux des visiteurs
Le perroquet en a par-dessus la tête de tous ces chapeaux
Et le chat, statufié, ne respire plus que d’une oreille.

Dans la véranda de madame des Ricochets
La grosse plante verte joue à saute mouton sur une treille
Le pouf éclate de rire des étincelles
Et la table s’agenouille en prière.

Dans le salon de madame des Ricochets
La pendule pousse les aiguilles hors du temps
La bouteille délivre des messages éthyliques

Et dans son coin, la desserte rigole en chantant : sois gai ! Ris donc ! 

dimanche 2 juin 2013

A qui la nuit blanche ?

Est-ce sa faute si ses yeux ne sont pas étanches quand elle dort ? Juste un rai de lumière et elle se réveille, ses yeux sont sensibles à la moindre petite clarté, alors que son conscient s’enfonce dans les abîmes du sommeil. Du coup, elle tourne, elle vire, elle finit même par souffler, et évidemment réveiller l’homme qui dort à ses côtés. Juste un petit faisceau et son conscient reprend le dessus… 
Voilà plusieurs années que ce problème se pose, que les volets se ferment presque automatiquement le soir, comme une cérémonie du coucher et qu’elle sourit à cette petite victoire d’imposer le noir complet à son conjoint depuis si longtemps.
Petite brouille conjugale et un jour le couperet tombe, le reproche jailli : l’homme dit supporter depuis la nuit des temps cet inconvénient et décide du jour au lendemain de clouer les volets ouverts contre le mur et de découper les rideaux en lambeaux pour qu’ils ne se referment plus sur la lumière du petit matin.
Gros coup de blues pour la belle : comment faire pour dormir dans la lumière… quand le jour se permet de pénétrer la pièce, le soleil de montrer sa présence, d’illuminer la chambre sans crier garde, de faire fuir l’obscurité au profit de cet éclat qui tombe jusque sur ses paupières. Devrait-elle ne plus dormir dans le même lit de cet homme ? Ne plus partager la même chambre ? Est-ce une raison valable pour faire chambre à part ?  
Quelques nuits d’essai pour plaire à son amour, la belle accepte de jouer le jeu, de dormir au jour la nuit… enfin de ne pas sauter du lit pour tirer les rideaux dès que la lueur apparaît, dès que la flamme de l’aube s’installe tranquillement dans l’appartement et se joue des paupières perméables de notre héroïne. Quand ce n’est pas la lune qui envoie son reflet jusque sur le visage de notre super nana.  Notre belle Héroïne n’est pas si fière que ça, l’épreuve est de moins en moins à sa portée. Le matin, les cernes lui caressent les joues, son teint blafard lui donne le cafard, et son humeur maussade l’apparente plus à une mégère non apprivoisée, qu’à la gentille épouse d'antan ! 
Ce que lui demande l’homme de sa vie est au dessus de ses forces, il va falloir trouver une solution pour reprendre le dessus de ces insomnies de peur de voir leur couple se déliter dans cette nouvelle configuration de leur tandem. Il est tant d’agir et de trouver LA solution qui va permettre un compromis pour résoudre cette question.
La discussion s’engage,  aucune des deux parties ne veut lâcher le morceau. Il faut dire que depuis que Monsieur se réveille au chant des rayons de soleil, son humeur est légère et sa mine réjouie. Plus question pour lui de revenir en arrière et d’ouvrir un  œil à n’importe quelle heure du jour et de la nuit et d’être persuadé qu’il vient juste de se coucher. Il se délecte dès l’aurore de la fraîcheur de cet étincellement et se rendort jusqu’à la minute qui précède le cri strident de son réveil matin : heureux, en forme pour une nouvelle journée. Le problème reste entier, la belle a bien essayer de planquer sa tête sous un oreiller sous peine d’étouffer, de serrer très fort cette fine peau qui recouvre ses globes oculaires, rien n’y fait, le sort s’acharne, la lumière transparaît et réveille la belle qui peine alors à retrouver son sommeil.

La solution est à mille lieu d'être trouvée et aucun compromis ne semble leur convenir, le couple s’enlise dans les discussions, puis hausse le ton tour à tour, se dispute carrément et chacun finit dans une chambre. Çà y est, le mal est fait, ils vont faire chambre à part, mais c’est sans compter sur leur amour trop fort l’un pour l’autre. Aucun ne peut se résoudre à laisser l’autre loin de lui, et ils se retrouvent tous deux au même instant, au milieu du couloir, se tombant dans les bras et revenant dans leur chambre nuptiale pour s’allonger sur le lit. Une petite surprise attend la belle : sur l’oreiller trône un drôle de morceau de tissus, comme un masque de Zorro, elle le prend, le retourne, le regarde, puis jette un œil vers son mari… Minaudant, elle ose alors dire : c’est pour moi ?  Puis  dans un sourire et sans attendre la réponse, elle le  pose directement sur ses yeux. Mais pourquoi n’y ont-ils pas pensé plus tôt ? Ils se couchent raccommodés par cette brillante idée et tous deux s’endorment du sommeil du juste l’une dans le noir de son voile et l’autre ravi de savoir que le blanc du jour viendra le tirer de sa torpeur à potron-minet et lui permettra de retomber directement dans les bras de Morphée jusqu'à l’heure d’émerger.