samedi 29 mars 2014

Écrivains dans un bocal

Suite à quelques clics bien placés sur internet, je découvre l'idée fabuleuse de deux amies du net : écrire une nouvelle à partir de consignes qu'elles tirent au sort... Après lecture de leur premier chapitre, je me laisse tenter par l'aventure et m'envole sur mon clavier pour quelques lignes sortant de mon imagination mais dirigées par leurs contraintes... Pour voir les autres textes...  http://tudinescesoir.wordpress.com


Chapitre 1

La ville est à peine éclairée, elle court sur le pavé, elle sait d’avance qu’elle va être en retard. Pourtant c’est un grand jour, le premier rendez vous qu’elle décroche depuis des mois. Il faut dire qu’elle est au chômage depuis si longtemps et pas foutue d’être à l’heure à un rendez vous, de là à ce qu’il y est cause à effet, il n’y a qu’un pas. Mais elle n’a pas le temps de s’analyser, pour une fois elle n’a pas réfléchi trois heures avant d’accepter cet entretien, et le fait qu’il lui propose de la recevoir dans un bar de la ville, ne l’a pas choqué plus que ça. Elle habite Reims, chez papa et maman, n’ayant plus financièrement les moyens de payer un loyer. Le retour en arrière fut difficile, surtout que cette solution n’avait pas que des avantages; sa mère, depuis quelle a posé son sac dans sa petite chambre d’adolescente, la matraque de sempiternelles phrases du genre : « tu as bien envoyé ton CV au contact dont je t’ai parlé ?, tu n’y arriveras pas si tu te lèves si tard…. » Et ce matin, elle est à deux doigts de trouver que cette dernière a raison et qu’elle n’est pas à la hauteur même du pauvre petit bout de salaire que lui verse Pôle emploi. Tout en courant ainsi, elle arrive enfin face à ce bistrot et entre sans même un regard pour l’employé derrière le comptoir. Elle cherche des yeux celui qui la veille,  lui a donné rencart dans ce lieu un peu étrange. Rien en vue qui ressemble à ce grand blond, à peine rasé et qui sur de lui, lui proposait une place de commercial dans ce qu’il disait être sa boite. Alors pourquoi ce lieu, se surprit-elle à penser ? Hier au soir, elle n’avait vraiment pas les idées très claires. Néanmoins, elle est là et prend place derrière une table à la nappe en plastique dont les couleurs sont autant délavées que la propreté est douteuse. L’espace d’un regard, elle survole les lieux, le café est presque vide, un vieux monsieur lit son journal dans un coin, ce doit être un habitué qui vient chaque matin se rafraichir des nouvelles du jour. Sinon, rien, pas de grand blond qui pourrait par un travail, enfin faire basculer sa vie du côté clair. Derrière elle, une glace dans laquelle est aperçoit son profil, sa queue de cheval lui donne presque l’air d’une jeune fille, pourtant elle va déjà vers ses trente cinq ans et le sourire qu’elle se force à s’envoyer n’est pas très sincère… comme si elle avait besoin de se confirmer que son pouvoir de séduction était encore en action. Le serveur s’approche d’elle et se penchant pour essuyer la table lui demande ce qu’elle veut boire
-          Un café, s’entend-elle répondre, corsé, rajoute-t-elle rapidement avant qu’il se retourne vers le comptoir.
Le temps de se replonger dans ses pensées en attendant son sauveur, un homme qui vient de rentrer croise son regard, s’avance vers elle et lui demande
-          Vous êtes Caroline ?
-          Heu, oui, non, enfin oui, comment connaissez vous mon prénom ?
-          Je viens de la part de François, celui que vous attendez, il m’a demandé de vous retrouver ici parce qu’il a eu un empêchement et…
Décontenancée, Caroline se lève et bredouille
-          Ah, bon, ben ce n’est pas grave, on se redonnera rendez vous une autre fois
-          Attendez, ne partez pas ainsi, je dois vous délivrez un message de sa part.
Caroline, un peu gauche, se rassoit, réajuste sa franche, ses mains transpirent un peu, elle commence à se demander si il était bien raisonnable d’accepter de se rendre de si bonne heure dans un café avec un homme dont elle ne connait que le prénom. Et celui qui se trouve en face d’elle ne lui dit rien qui vaille. Il est brun, assez grand, et lorsqu’il tire la chaise pour s’asseoir face à elle, elle comprend qu’elle ne peut qu’attendre de l’entendre…
-          Je vous écoute, dit-elle dans une moue qui lui fait ressortir les deux petites fossettes qui entourent sa bouche. Dans un autre temps, elle savait ce geste irrésistible, mais ce matin, aucun calcul, juste une lassitude qui révèle son manque d’entrain à poursuivre cette conversation. 
       -       Je vous offre un verre ?
       -       Je n’en suis qu’au café et…
       -       Un deuxième café alors, dit-il précipitamment et se tournant vers le comptoir il lance à la volée : deux cafés s’il vous plait. Puis de nouveau, son regard plonge dans celui de Caroline qui se sent de plus en plus mal à aise. Pressée d’en finir elle place rapidement sa question :

-                          -            Alors, François a-t-il une place pour moi ?
-                           -            Pas si vite, il faudrait déjà que tu me donnes ton CV.

Il l’a tutoyé d’un coup sans prévenir, ce qui renforce le sentiment oppressant qu’elle ressent déjà. Le tour que prend cette conversation ne lui plait pas du tout et faisant mine de se lever, l’homme appuie une main ferme sur son avant bras et lui rétorque :
-          Dis moi déjà ce que tu sais faire, je suis l’associé de François, nous avons une société qui fabrique des sous-vêtements et nous cherchons une personne susceptible de nous aider pour la diffusion de nos produits… tu me suis ? As-tu des références dans la vente ?
Timidement, Caroline commence à débiter ses diplômes, sortant dans le même temps son curriculum vitae qu’elle lui tend d’une main tremblante et en bredouillant 
-                              -           Il est à jour, je suis sans emploi depuis plusieurs mois, mais j’ai déjà travaillé dans la vente et….
-                              -            Ok, pas de problème, tu commences demain ! répond l’associé tout en détaillant le document,                      par contre, il te faut t’arranger un peu.
-                              -           C'est-à-dire ? reprend Caroline
-                             -            Et bien, je ne sais pas, te mettre sur ton trente et un, une jupe au lieu d’un jean, un chemisier au      lieu d’un pull, les cheveux détachés … féminine quoi !
Et au regard que lui lance  Caroline, il reprend plus posément :
       -       Mais ne t’inquiète pas, tu es très jolie et ce ne sera pas difficile… non ?
Lui tendant sa carte avec l’adresse de sa société, il se lève précipitamment.
       -       Bon, tu m’excuses mais j’ai plein de rendez-vous, on se retrouve demain, 9 heures à cette                             adresse, on parlera des formalités et tu verras on va bien accrocher tous les trois…
      -        Tous les trois ? répond Caroline complètement déstabilisée par cet entretien
      -        Oui, enfin Toi, François et moi… on va faire un tabac… allez je file, à demain
Et sur cette dernière phrase, il se retourne et sort du bar aussi vite qu’il était entré…
Caroline, plutôt sonnée, ne sait pas trop que penser de cette embauche éclair, elle se demande si elle n’a pas rêvé et quelle est la décision qu’elle doit prendre. Mais revenant à la raison, elle  finit par se dire qu’elle n’a pas vraiment le choix et que demain est un autre jour… elle aperçoit alors son reflet dans la vitre et respirant un bon coup, se forçant à sourire elle défait ses cheveux et se met à regarder par la fenêtre. 


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