mardi 1 avril 2014

Ecrivains dans un bocal chapitre 2

Suite de la nouvelle des écrivains dans un bocal : http://tudinescesoir.wordpress.com
Contrainte du chapitre 2
Lieu : un magasin de  bricolage
Action : votre héroïne fait une découverte et doit évoquer l’auteur suédois Henning Mankell

Chapitre 2
Petit tailleur noir, chemisier blanc col Claudine, Caroline arrive essoufflée à son  nouveau travail. Elle est à l’essai depuis quinze jours chez Romuald et François, ses deux patrons et est devenue pour eux leur commerciale exclusive. Cette société vend des sous-vêtements que ses patrons font venir de Taiwan et qu’ils revendent à  prix d’or comme le nec plus ultra de la mode  du moment. Dentelle, petits boutons nacrés, soutien-gorge et nuisettes non presque plus de secret pour elle. Les gammes sont diversifiées et les couleurs variés, tout cela pour dire qu’elle n’a guère le temps de s’ennuyer depuis son arrivée dans cette boite.
Elle relève de moins en moins ses cheveux qui tombent en cascade sur ses épaules, elle s’habille plus « féminine » comme le lui a demandé Romuald lors de leur entretien éclair dans un bar. Elle a d’ailleurs bien remarqué les regards en coin que lui jette ce dernier lorsqu’elle passe la porte le matin, elle a presque l’impression qu’elle est nue, tant il l’a déshabille du regard et depuis quinze jours qu’elle est là, elle ne s’y habitue pas vraiment. Mais elle est prête à faire l’effort de ne rien dire tant elle est heureuse d’avoir son bureau. Quel bonheur de se retrouver dans le monde du travail, elle n’arrive toujours pas à croire à sa chance, elle devrait pouvoir prendre un appartement pour elle toute seule d’ici peu, en tous les cas à la fin de cette période d’essai qui se passe pas trop mal. Elle occulte volontairement tout ce qui la dérange et ne veut pas trop chercher à comprendre d’où vient la marchandise. Elle a bien découvert des petites choses un peu louches, comme des adresses bizarres sur les paquets qui arrivent presque tous les jours, la forme des colis qui ne semblent pas forcément contenir des sous-vêtements, et cette interdiction formelle de la part de Romuald d’ouvrir les emballages et de rester trop longtemps dans l’entrepôt lui laisse penser que tout n’est pas vraiment net dans cette société.  Aura-t-elle un jour l’explication à ces mystères ? Tout ce qu’elle sait pour le moment est dans le dossier que lui a remis Romuald.  Un dossier qui explique simplement le travail qu’elle doit faire et la liste des magasins de lingerie à appeler, à qui elle doit proposer les produits et décrocher des rendez-vous qu’elle honorera au début avec l’un de ses patrons, puis toute seule quand ils la lâcheront comme une grande dans la jungle de la vente. Elle a une liste de tous les magasins de la région et commence à remplir son carnet de rendez-vous à force de coup de fil et de persuasion. Dans tous les cas, elle a besoin de ce travail et remet à plus tard une enquête qui pourrait ne lui amener que des ennuis.
Caroline est plongée dans l’ordinateur et ne voit pas Romuald appuyé au chambranle de la porte en observation depuis quelques minutes. Lorsqu’elle se retourne, leurs regards se croisent, il la dévisage carrément et Caroline baisse les yeux, comme elle le fait chaque fois. Elle ne va tout de même pas se plaindre qu’un homme s’intéresse à elle, ça fait bien trop longtemps que cela n’est pas arrivé, alors elle se contente de rougir un peu et reprend contenance quand Romuald lui lance :
-          Caroline, aurais-tu la gentillesse de faire une course pour nous, François et moi sommes entrain de monter l’étagère pour l’entrepôt et il nous manque quelques vis.
-          Oui,  bien sur, j’y vais… le magasin de bricolage est tout prêt, j’en ai pour une seconde
-          Mets ce que tu prendras sur le compte, on t’attend, merci Caroline.
Il avait dit merci en traînant un peu sa voix et dans un sourire mielleux tout en lui glissant dans la main un exemplaire d’une vis… et du coup, elle se demande si leur relation ne prend pas un tour un peu dangereux. Mais elle tient tant à sa place qu’elle ne veut surtout pas s’offusquer et prenant son sac, elle lui passe devant, il se recule d’un pas et ne se gène pas pour suivre son déhanchement d’un regard sans vergogne.
-          Quel drôle de type, pense-t-elle… je préfère son associé, au moins lui me respecte et ne me reluque pas ainsi.
Une fois à Bricorama, la voilà qui oublie son trouble et circulant dans les rayons elle cherche les vis en question. Comme celles qu’il lui faut sont sur la dernière étagère, elle monte sur la pointe des pieds, et essaie d’attraper ce qu’elle est venue chercher. Bien occupée à ne pas perdre l’équilibre, montant le pied sur le rayon du bas, elle ne voit pas l’ombre qui s’approche d’elle et du coup, sursaute lorsqu’une main vient se poser sur sa taille.
-          Laisse moi t’aider, la surprend Romuald, je t’ai suivi, je n’étais pas certain que tu trouverais et…
Vraiment surprise, Caroline descend précipitamment de son escabeau de fortune,  se recule d’un geste vif, se dégage rapidement, et s’exclame :
-          Mais j’aurai trouvé toute seule, pourquoi m’envoyer vous chercher des visses si vous venez avec moi ?
-          Je me suis dit que ce pouvait être l’occasion de se voir en dehors du magasin, François est tellement souvent derrière nos basques, j’ai bien vu que cela te gênais et que tu ne peux pas vraiment répondre à mes œillades… non ?
-          Quelles œillades ?, je suis chez vous pour travailler, pas pour flirter il me semble
-          Oui, bien sur, mais les deux ne sont pas incompatible et puis il me semble que l’on s’est plu tout de suite non ? au bar déjà j’ai bien remarqué comment tu me regardais et comment tu avais envie que je t’embauche, d’ailleurs dans l’intimité tu peux me tutoyer…
-          L’intimité, quelle intimité ? J’ai seulement besoin d’un travail, je crois que vous vous m’éprenez, je dois retourner au bureau, j’ai des coups de fil à passer !
Et sur cette dernière phrase, elle s’avance vers le comptoir, pose la boite sur le tapis roulant en demandant à la caissière de mettre cela sur le compte de la société R & F. Récupérant ses achats, elle sort précipitamment et essaie de devancer Romuald pour entrer au bureau le plus rapidement possible. Peine perdue, il est déjà là, à lui ouvrir la porte… choisissant l’humour pour éviter de laisser s’installer entre eux un malaise, elle se force un peu à sourire et lui rétorque :
-          Vais-je devoir faire appel aux services du commissaire Vallander ?
-          de qui parles-tu ? répond Romuald étonné,
-          De rien, de rien, je plaisantais, j’invoquais l’aide du héros d’un auteur de livre policier
-          De quoi parlez-vous ? intervint François qui les voyant rentrer, s’avance vers eux,  tu t’intéresses à la lecture Romuald ? c’est nouveau ça….
-          Oh, je faisais référence à un de mes héros favoris, le commissaire Wallander, mais il semble que François ne le connaisse pas.
-          Le commissaire Wallander ? ah, super, j’adore les romans  de Henning Mankell, vous avez des lectures sympas Caroline, il faudra qu’on en parle, reprend François et attrapant par le bras Romuald, dont la mou prouve sa déception de n’avoir pu répondre à Caroline lui même, il lance à son collègue :
-          Tu viens, on a du boulot sur la planche nous, merci Caroline, on vous laisse à vos commandes…

Caroline de nouveau à son bureau est méditative. Cette place lui plait, le travail est ce qu’elle aime et ce qu’elle sait faire, mais ce type lui fait un peu peur… arrivera-t-elle à résister à ses avances ? Et puis sa façon de la tutoyer alors que son autre patron la vouvoie, est-ce bien normal ? Elle a hâte d’être embauchée définitivement afin de pouvoir s’imposer un peu plus et mettre du coup un terme à ce malaise. En attendant, elle aussi a du boulot sur la planche.

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