mardi 26 mars 2013

Le rêve de Laure



C’était complètement fou, je volais dans les airs sans savoir vraiment où aller. Les toitures de maisons étaient mon horizon et lorsque je planais dans toutes les directions c’était sensationnel. N’empêche que j’avais tout de même plein de problèmes à régler ce jour là et on m’avait donné l’adresse d’un super psychologue tellement renommé, que l’on faisait la queue devant son cabinet pour le consulter. J’aperçus de ma hauteur, le long chapelet que formaient tous ses clients, comment faire pour aller interroger ce manitou sans que cela me prenne le jour entier ? Je le voyais par transparence assis à son bureau, à l’écoute, sérieux, dodelinant de la tête, et donnant à chaque visiteur une ordonnance. Ces derniers repartaient le sourire aux lèvres, le pas léger et je les enviais de mon point de vue culminant. Sans réfléchir aux conséquences, je fonçais tête première vers la procession et fendant le plafond, j’atterris dans la file sans demander la permission. Des oh, des ah s’exclamèrent de toutes parts, voulant me faire comprendre leur indignation, les gens commençaient à me pousser du coude, à me bousculer vraiment, mais c’était sans compter sur ma force de persuasion, sur le sourire ravageur que je leur lançais, sur la volonté de fer que j’avais de rester derrière les quelques personnes proches du bureau du gourou.
Arriva très vite mon tour, et une fois en face de lui, je commençais à bafouiller, il faut dire que je n’avais pas vraiment prévu l’ordre de mes questions à lui poser, mais j’arrivai enfin à les lui formuler :
-        Rien ne va dans ma vie, mon mari ne me regarde plus vraiment, mes enfants sont constamment malades, mes finances sont catastrophiques, je ne fais que pleurer sur mon sort et…
D’un geste du bras, il me coupa très vite la parole, était-ce parce qu’il ne pouvait consacrer beaucoup de temps à ses patients ? Toujours est-il qu’il eu la même expression que je lui avais vu du haut du ciel, un air sérieux, la tête allant de droite à gauche, un doigt posé sur ses lèvres, en pleine réflexion… Il appuya ensuite sur quelques touches de son ordinateur placé face à lui, et sortit une feuille pleine de graffitis qu’il me remit. Sur cette ordonnance était noté le prix : 80 euros pour ce bout de papier… Je payais effarée du montant et étonnée que l’entretien se termine déjà, sans même un mot de sa part, je m’éloignai pourtant le sourire aux lèvres en lisant les quelques lignes qui composaient cette prescription. Tout en sortant de la pièce, croisant quelques regards courroucés de ceux que j’avais devancés, je flottais de nouveau dans l’air et repris mon envol jusqu’au prochain nuage où je pus détailler à loisir la liste de ce que je devais prendre pour remettre ma vie à l’endroit :
Prendre chaque jour
-        Du chocolat additionnée à du miel : 3 ou 4 carreaux
-        Un bon repas bien équilibré
-        Une sortie en amoureux avec l’homme de votre vie !
C’était exactement ce dont j’avais besoin…. 

dimanche 24 mars 2013

L’effet PAPILLON d'un LIVRE miroir



J’avais 19 ans à peine, j’aimais déjà lire et j’étais constamment en recherche de lecture nouvelle !
Ce jour là, maman m’avait envoyé faire une course dans une papeterie librairie… Il y avait du monde et je tournais mon regard ci et là, accroché par toutes ces couleurs, tous ces articles… j’adore toujours autant les librairies. Plusieurs livres me narguaient de leurs étagères et je m’approchais d’eux timidement, discrètement, sans pour autant perdre ma place dans la file d’attente. Et puis, l’un deux m’a littéralement happée, je l’ai pris en main, je l’ai feuilleté, j’en ai oublié la queue qui filait sans moi, je me suis poussée pour laisser passer les personnes qui s’impatientaient derrière. Sur la couverture, une petite fille me regardait, et comme dans un miroir je lui souriais, elle n’était ni belle, ni vilaine, un petit air triste soulignait son visage, elle entourait ses bras de ses mains et semblait vraiment m’interpeller…
Le temps s’était arrêté et je n’avais d’yeux que pour ce livre ouvert dans mes mains qui m’agrippait de son titre : Toutes les petites filles meurent parce qu’elles grandissent… je sortais tout juste de l’adolescence, ou peut être y étais je encore un peu… et ce titre m’attrapait le cœur et m’obligeait à lire le résumé, en tournant et retournant le volume dans mes mains. L’auteur m’était totalement inconnu, elle s’appelait Muriel Rigal et je n’avais encore rien lu d’elle. Le résumé parlait d’un homme qui au contact d’une petite fille sortait de la grisaille d’une vie trop bien réglée pour entrer dans le paradis perdu de l’enfance…L’homme réapprenait alors à aimer mais hélas, l’enfant grandissait, et la puberté mettait fin à toute cette transparence. Le monde des adultes opacifiait tout et cet homme incapable de supporter cette évidence  tombait alors dans la folie… Sortant de ma torpeur à l’appel de la vendeuse qui me demandait si elle pouvait m’être utile, je posais le livre sur le comptoir, attrapais le bloc de papier demandé par ma mère et laissais noter les deux articles sur le compte de mes parents…
Voici comment j’ai pu me lancer dans la lecture d’un livre merveilleux où je me suis identifiée facilement à cette héroïne qui s’appelait Mouche… et où je me suis régalée de son histoire à tel point, que j’ai bien du relire ce livre une dizaine de fois.
Comme toutes les petites filles meurent parce qu’elles grandissent, je suis arrivée à l’âge adulte, je me suis mariée, et ce livre s’est retrouvé sur l’étagère de la bibliothèque au milieu des autres sans plus d’intérêt qu’un simple livre jusqu’à ce que…
Ma fille avait quinze ans quand elle l’a trouvé, elle était en pleine adolescence, ce passage entre l’enfance et l’adulte qui ne passe pas souvent inaperçu. Elle est tombée dans ce livre comme sa mère quelques années plutôt et ne l’a plus lâché. Je pense même qu’elle l’a relut encore plus souvent que moi. Elle se préparait à passer un baccalauréat littéraire dans l’année qui suivait et lorsqu’elle m’a fait lire le brouillon de son devoir de français, j’ai souri en voyant le sujet et surtout la manière dont elle l’avait traité :
« Un livre vous a plu, écrivez une lettre pour convaincre votre interlocuteur de le lire »… Bien sur elle avait choisi le livre de Muriel Rigal, celui là même qui nous avait toutes les deux tant apporté. Sa note de français : 15/20, pas mal du tout, surtout lorsqu’elle m’a expliqué que ne se rappelant plus le nom de l’auteur elle en avait  inventé un pour son devoir, l’examinateur, lui, n’y a vu que du feu. Le livre magique ne lui en n’a pas voulu, puisque je pense que c’est bien grâce à lui que ma fille a eu son bac… Belle leçon de livre qui voyage de mère en fille et peut être qu’un jour sa propre fille tombera sur ce manuscrit et s’y regardera aussi comme dans un miroir.

samedi 16 mars 2013

1, 2, 3 partez




Ces nombres qui nous font peur…
Ils sont partout dans notre vie et la rythment parfois à un train d’enfer…
 1 2 3 partez !!!!
 C’est le coup de feu qui nous propulse en avant et nous envoie comme un boulet dans la vie des grands…
1 2 3               Je m’en vais au bois, mais de ces trois là, je ne me souviens pas !
4 5 6               Cueillir des cerises, et  là les souvenirs se précisent !
7 8 9               Dans un panier neuf, je ris, je joue, je pleurs, l’âge de raison ? Tout semble si neuf…
10 11 12         Elles seront toutes rouges, le temps des copines, il faut que ça bouge !
13 14 15         Le premier amour, la vie se complique parfois en un jour !
16 17 18         Le temps des copains et de l’aventure, de l’amour tout plein à la déconfiture !
19 20 21         Et puis la rencontre qui change une vie, serait-ce déjà lui, l’homme de ma vie ?
22 23 24         Déménagement, emménagement... une vie qui démarre, déjà deux enfants arrivent en fanfare !
25 26 27         Un enfant de plus s’ajoute au panier, on ne compte plus, c’est la panacée !
28 29 30         Les petits plaisirs d’une jeune maman, les petits soucis de trois jeunes enfants…
31 32 33         Les Scouts, la maison, pas le temps de souffler, la vie va trop vite, faudrait s’arrêter !
34 35 36         Un petit dernier, comme ça pour la route, un dernier bébé à nous tous s’ajoute !
37 38 39         4 beaux enfants, 1 super mari, une nouvelle maison, un boulot aussi !
40 41 42         Le train-train qui vient, s’installe tranquillement, la vie qui oscille entre noir et blanc
43 44 45          Les copines qui prennent tout plein d’importance au fur et à mesure de nos confidences !
46 47 48          Une tempête passée, on refait le point, il ne manque rien… mais on a tant craint !
49 50 51          Une nuée folle d’enfants qui s’envolent pour  construire leur nid et vivre leur vie!
52 53 54          Des petits enfants qui  bousculent le charme discret d’une vie conjugale qui redevenait calme !
55 56 57          La vie qui passe trop vite, ce tourbillon me fatigue…
58 59 60          Des voyages en vue, des rêves de retraite…la tête dans les nuages… je n’ai plus envie d'avoir d'âge !
61 62 63           Ca y est j’y suis enfin, la retraite est comme un refrain… j’en chante dans mon bain…
64 65 66          Je lis, je croise les mots, je voyage dans des pays lointains
67 68 69          On est de plus en plus nombreux aux réunions de famille… et ça c’est vraiment bien !
70 71 72          Suis encore pleine forme, yoga ou sport de tout ordre !
73 74 75          Dernières randonnées…. un peu bousculée par toutes ces années…
76 77 78          Les petits enfants grandissent, il nous font des petits…
79 80 81          Je suis arrière grand-mère, j’en ai pourtant pas l’air…
82 83 84          Le temps des regrets... bilan du passé… on s’est bien amusé !
85 86 87          L’aventure ralentie, les voyages virtuels me trottent dans la tête
88 89 90          Mon dernier achat ? un dentier tout neuf, quelques rhumatismes
90 à 99            Cette maison de retraite, vais-je y échapper… ?  
100                 Je  tire ma révérence, le temps n’a plus d’emprise…
                                               3, 2 1 et c’est fini ! Retour à zéro…
Et on a compté ainsi tout ce  temps pour apprivoiser ces chiffres qui dirigent notre vie… 
Ces nombres qui nous font peur parce qu’ils s’ajoutent encore et encore à ceux qui les précèdent
 Et nous emmènent là-bas dans cet inconnu qui s’appelle DESTIN !  
Ces nombres qui nous font peur : Moi ? J’en veux ENCORE… 

jeudi 14 mars 2013

Le chat et la souris


Après lecture, je commence à me rendre compte du risque que j’encours à être la souris sur laquelle tu as jeté ton dévolu !
Je trouve que je n’ai pas vraiment le beau rôle dans l'histoire, et à moins de mille ruses de ma part, je pense que la fin du conte ne peut être que celle d’un chat repu d’avoir avalé une souris…

Je vois plutôt un autre déroulement à l’affaire :  après maintes ruses plus ou moins légales et honnêtes de notre bon gros matou, ce chat fatigué, usé, découragé n’arrivant toujours pas à attraper cette satanée souris, qui ne le ménage pas et lui envoie des pieds de nez à longueur de journée, n’en peut plus de cette chasse et catastrophé par ses piteux résultats, se désole sur son sort : il ne mange plus, ne dort plus, il déprime complètement et plus rien ne l’intéresse, même la télé, ne le concerne plus, encore moins les dessins animés de ce bêta de gros Tom auquel il ne veut surtout pas s’identifier… Il pleure donc sur son sort, et maigrissant à vue d’œil, notre adorable souris ne le reconnaît pas, et trouve le jeu un peu trop ennuyant depuis que son matou préféré ne s’intéresse plus à elle….
De son trou de gruyère, elle le voit se morfondre et se demande comment rendre l’énergie et la bonne humeur à ce chat décomposé … quel drame que de perdre son meilleur ennemi, sans avoir terminé la partie.
Un jour, pleine de courage, elle s’approche de lui, sur ses gardes tout de même, de peur que cette accalmie ne soit qu’un piège de la part du matou, elle n’est plus qu’à quelques centimètres du museau dont les crocs reluisent au soleil, mais dont la réaction se fait attendre, en effet, de sa léthargie, il n’est même pas sorti, et les yeux mi clos, il semble bien ailleurs, ce pauvre petit chat malade…
Tellement enfouit dans ses pensées, il ne s’aperçoit pas que l’être tant désiré est si proche de lui, et que de ses petits bras croisés, elle le toise et se demande comment le faire réagir… faisant le tour de sa tête de la pointe de ses petites pattes, la souris, grimpe délicatement sur la pelage du chat, qui ne se retourne pas, tant il est déprimé et sans réaction. Puis prés de son oreille, de sa petite voix, elle se met à lui parler  tout doucement, feignant de n’être que sa conscience. Le gros chat ferme les yeux, et se croyant dans un rêve écoute distraitement cette petite voix venue de nulle part et qui lui dit quelques mots du genre : gros matou, petit chat de gouttière, ton plus grand désir n’est-t-il pas d’attraper cette petite coquine de souris, et de la croquer toute crue ? Ne vois-tu pas que ce jeu t’épuise et qu’elle est bien plus forte que toi ?
 Le chat dans son semi sommeil, lâche quelques larmes et la souris pleine de remords se penche plus avant vers son oreille : je te propose un deal : tu commences par limer tes grosses griffes trop pointues, ensuite, tu râpes tes crocs venimeux contre un mur bien crayeux,  puis, tu oublies ta fierté de gros matou dodu, et tu deviens tout doux comme un agneau, tout gentil comme un ange, tu me ménages une petite place entre tes grosses pattes de velours, où je me loverai alors, délicieusement, sereinement, ne craignant plus rien de tes actes, puisque la violence serait banni de ta personnalité. Tu m’apporterais chaque jour, un morceau de fromage, gruyère ou parmesan, et même du saint Marcellin, ou une bûche de chèvre dont je raffole, puis tendrement tu lécherais de ta langue râpeuse juste comme il faut ma petite frimousse, tous les matins, afin de me réveiller en douceur, et de me laisser m’étirer de plaisir après chaque petite sieste… Tu me caresserais de tes moustaches délicatement sur tout le corps et murmurerais des mots tout doux dans le creux de chaque oreille, mais sans les mordiller, ou alors seulement quand tu sentirais le moment pour le faire, et puis tu ronronnerais de temps en temps, mais pas trop fort, pour ne pas m’empêcher de dormir, juste comme une berceuse, et je fermerais les yeux de douceur, et rêverais aux mille merveilles que j’aimerais que tu me fasses encore….
En échange : je te laisserais m’attraper délicatement de tes deux grosses papattes, et tu pourrais m’avoir constamment à tes côtés, quand tu te lasserais de m’avoir si près et de ne plus faire d’exercice, je ferais semblant de m’échapper, te donnerais juste le fil à retordre qu’il faut pour que cela reste un jeu, et je te laisserais de nouveau me prendre à ton piège, comme une petite souris docile que tu croirais avoir domptée… 
Toujours endormi, le chat opine de la tête, le contrat est signé, il est d’accord sur tous les termes, la souris  est à lui….
Le chat entrouvre les yeux, son odorat ne le trompe pas, c’est bien une souris qu’il sent et ce rêve bizarre qu’il vient de faire ! Il se retrouve tout penaud, tout étourdi comme si une souris lui avait grimpé sur lui pendant la nuit, comme si une petite bestiole de rien du tout, était là sur son dos et lui parlait à son oreille, comme si…. Et à ce moment là, Tom voit Jerry le toiser de haut, enfin plutôt notre gros chat se retrouve devant la plus merveilleuse des souris, à deux mini-mètres de son nez, et comble des souris, elle lui sourit… Il tend un peu la patte, n’y croyant pas, se pince de l’autre le museau, souhaitant ainsi finir ce rêve, mais elle n’a pas bougée, elle est toujours là, le sourire aux lèvres, le regard bizarre, comme si elle était d’accord pour se faire attraper. C’est un piège se dit le félin, dès que je vais tenter une approche plus directe, elle va s’envoler comme une bombe et je vais encore me faire ridiculiser par ce petit bout de rien du tout, à moins que, à moins que…Il ouvre alors la gueule dans l’espoir de la voir s’y engouffrer, et la souris s’approche de ses grosses dents pointues, sans frayeur dans le regard, sûre d’elle, elle ose même lui dire : bonjour mon gros matou chéri, alors bien dormi ? Croyant qu’elle se moque, le chat referme la gueule sur cette effrontée, mais au moment où il croit la croquer il entend à nouveau dans le creux de sa conscience les termes du contrat, que distrait il a signé… Il desserre  alors les crocs et mal à l’aise sourit à cette impertinente, qui bien que vaillante, commençait à croire au pire… Mais se reprenant très vite, elle lui susurre : je suis à toi, dans les termes du contrats, notre deal est en place, montre toi correct et je ferais de même, ne te dérobe pas à ta promesse et nous allons vivre tous les deux des moments plus que fabuleux dans le respect de chacun et peut être plus si affinité…
Et le chat et la souris vécurent heureux pour le restant de leur vie, ils ne firent pas d’enfants, de peur de perturber à nouveau les concessions faites ensemble et de réinstaller entre eux et leur progénitures leurs instincts sauvages.
Il ne serait pas de bonne augure qu’un gros matou mange son petit sous prétexte qu’il ressemble à sa mère….



lundi 11 mars 2013

Qui ose me déranger ?


Lorsque la sonnette retentit soudainement, je tressaillis, mon corps alanguit se  déplia d’une petite sieste au soleil. Qui pouvait bien oser me déranger dans un moment pareil ? Les mains en casquette devant mes prunelles, j’essayai d’apercevoir le vaurien qui contrariait mon programme, mais je savais bien que le mur d’enceinte du jardin ne me le laisserait pas même voir son crâne. Je finis donc par accepter de léviter de ce bain de soleil et la position verticale me rappela  le désordre qui régnait sur ma petite personne : non seulement mes cheveux en bataille prouvaient mon laisser aller du moment, mais ma petite robe était bien  froissée et son quadrillage vichy  ressemblaient  plus à des vagues qu’à des petits carreaux bien sages.
Le carillon sonna à nouveau, mais que me voulait ce malfrat, il allait bien falloir que j’aille lui ouvrir, une main noyés dans mes cheveux, je remettais de l’ordre dans cette  bataille d’épis, pendant que l’autre nerveusement passait  et repassait  sur le chiffon qui me tenait lieu d’habit… je criai alors « j’arrive, j’arrive… » Et avançais dans l’allée prête à houspiller l’empoisonneur de l’après midi douceur que j’avais prévue. Je répétais tout en marchant nonchalamment  « j’arrive, j’arrive » ! Il ne fallait pas qu’en plus il s’impatiente ce brigand. Enfin devant la grille  je me retrouvai la main sur la poignée, en train d’entrouvrir la lourde porte de l’entrée.  Passant la tête pour voir  qui osait m’importuner de la sorte, Je clignais des yeux, faisant face au soleil qui m’obligeait à  voir,  dans un flou artistique, la silhouette plantée devant moi.  Un murmure me parvint de cet homme d’un âge incertain :
-        Prudence Petitpas ?
-        Oui, c’est pourquoi ?, répondis je un peu hargneuse, alors que petit à petit mes yeux s’habituait à la vision plus nette et qu’il me semblait reconnaitre un fantôme surgissant du passé.
Nous restions tous les deux bouches bé, nous dévisageant, n’osant interrompre le charme de cette rencontre impensable. Il fallu bien sortir de notre torpeur, et c’est en reconnaissant son sourire enjôleur que je l’embrassais sur les deux joues et laissais petit à petit mes esprit revenir doucement à moi.
-        Que fais-tu là ? je ne te savais pas dans le coin, je ne suis pas très présentable, mais entre !
Et joignant le geste à la parole, j’ouvris en grand la porte afin de faire entrer dans mon jardin l’homme qui avait vingt ans plus tôt bouleversé ma vie.  Allait-il par son intrusion envahir à nouveau mon présent et refleurir un peu mon jardin secret qui ces derniers temps, était plutôt en friche… ?
Je pense qu’à cet instant je n’en évaluais pas le risque mais je sais  depuis, que je ne regrette pas d’avoir pour mon verger caché, le meilleur des jardiniers….  

samedi 2 mars 2013

Le Big Bang de l’amour


Il faut dire que   nos grands parents habitaient une maison plutôt inhabituelle dans ce coin reculé de la terre où tout était à l’envers.
 Rien de bien facile pour tous ceux qui ne rêvait point… mais notre jeune âge nous permettait de nous y rendre  aussi souvent que nous le souhaitions. Ainsi lorsque nous allions chez eux, nous nous sentions comme en apesanteur, suspendus dans le temps, et nos yeux d’enfants ne pouvaient que s’émerveiller de passer la petite porte du fond du jardin où demeuraient nos aïeuls.
Mon frère et moi nous aimions bien nous rendre chez eux le temps d’un rêve éveillé et lorsque d’un clin d’œil il m’invitait à courir jusqu’à cette  petite porte, pas plus haute que trois pommes, je ne me faisais pas prier pour le suivre.  Nous avancions fiévreusement jusqu’à  cette  cabane à l’envers  et retrouvions avec joie  Grand Papa et  Grand Maman.  A la porte des arcades, juste avant de passer le ruisseau magique et d’entrer dans ce domaine fantastique,  un oiseau nous demandait le mot de passe, alors nous  lui lancions joyeusement  dans un cri commun « perlimpinpin ».  La magie faisait le reste. Nous nous retrouvions une fois ce ruel traversé et cette porte ouverte, entrain de débarouler   dans les herbes hautes avec l’impression de voler, ébahis par cette légèreté qui nous faisait flotter dans l’air et nous tournait dans tous les sens comme des cosmonautes en route pour le paradis. Nous étions au verso de la terre, la tête en bas, le sol devenait le ciel et tous les arbres plongeaient dans l’immensité du vide échangeant leur racine contre leur cime. Un monde à rebrousse poil, un monde sans dessus dessous nous tendait les bras et nous ravissait, nous courions sur les nuages jusqu’à la maison suspendu dans cette atmosphère qui du coup nous semblait être  la seule chose à l’endroit dans cet univers.
Arrivés sur le perron, de cette petite maison flottante, nous hurlions de rire et appelions grand maman tout excités que nous étions…
Toute petite, un teint de rose,  elle marchait d’un petit pas tranquille, avec accrochée sur son visage ce petit sourire qui grandissait et se rétrécissait mais  jamais ne se figeait. Grâce à  ce sourire comme épinglé sur sa figure,  il se dégageait d’elle une douceur qui n’appelait que les câlins et l’envie de se jeter dans ses bras en passant à peine le seuil de sa petite maison. Les bras accrochés autour de son ventre nous nous régalions d’amour et rivalisions l’un l’autre, pour recevoir de sa part la caresse inoubliable dans nos tignasses blondes.
-          Mes amours, mes chéris, disait-elle tendrement, vous voici enfin, je vous ai préparé un gâteau, venez vite, approchez, il est encore tout chaud… Mon frère et moi, en salivions d’avance, connaissant les talents culinaires de notre fabuleuse grand-maman.

Attablé, une serviette à carreaux rouge et blanche autour du cou, nous attendions avec impatience la cérémonie du goûter.  Les narines dilatées par l’odeur de la pâtisserie qui envahissait la pièce, nous n’osions à peine parler et nous contentions de nous lancer des œillades de plaisir. Grand maman s’activait autour de nous, plaçant les assiettes et les couverts sur les sets assortis à nos serviettes. Elle nous coupait une part de cette fameuse tarte renversée dont elle était la reine. La bouche pleine, les papilles ravies, les pommes fondaient sur notre langue, nous nous délections de ces saveurs. Grand maman, fidèle à ses habitudes, assise près de nous, nous regardait amusée de notre plaisir.
-          Grand maman, raconte nous encore comment ta maison s’est retournée ? dit mon frère entre deux bouchées.
-          Mais je vous l’ai déjà raconté cent fois, se fit prié grand maman, mais devant nos sourires béats et ses deux petits enfants près à écouter une cent et unième fois la même histoire, elle sourit et commença :
-          C’était il y a très longtemps, vous n’étiez pas encore nés, j’ai eu la chance de rencontrer un charmant jeune homme qui est devenu ensuite votre grand père. Il était tellement amoureux de moi que je pouvais lui demander n’importe quoi ! et tout en disant cela, grand maman rougit un peu, puis continua, j’avoue que j’en ai un peu abusé… dit elle en prenant un air ravi.
-          C’est quand tu lui as demandé « la lune » répondis-je, raconte nous encore grand maman !
-          Oui, c’est ce jour là que tout a basculé… c’était un jour de printemps,  nous étions si heureux que lorsqu’il me dit :  « pour toi je décrocherai la lune », et bien je l’ai pris au mot, et lui ai demandé de le faire… il fut bien ennuyé au départ et essaya de s’esquiver me proposant mille autres choses à me trouver pour me faire plaisir, mais je me pris au jeu de cette demande et insistait pour que ce soit la lune qu’il décroche pour moi.
Et bien figurez-vous les enfants, nous dit-elle, prenant cet air mystérieux que nous adorions,  alors que nos yeux s’arrondissaient et que  nos oreilles grandes ouvertes attendaient la suite, et bien figurez-vous reprit-elle, que votre grand papa, mon amoureux chéri une nuit a décroché la lune. Il est monté sur une immense échelle et lorsqu’il est arrivé tout en haut de la dernière marche, elle est littéralement tombée sur lui. Il l’a rapporté en descendant les barreaux un par un et lorsqu’il a posé la lune sur le bord du chemin, en touchant la terre, il s’est passé quelques choses d’extraordinaire…
-          « la terre s’est retournée » murmura mon frère… c’est incroyable grand maman, c’est comme un nouveau big bang… on en a parlé à l’école, c’est le jour où la terre s’est formée il y a des millions d’années, le professeur nous a expliqué que c’était l’origine de notre planète et…
-          Et bien tu sembles bien calé mon chéri, répliqua grand maman, pour nous, ce « big bang » dont tu parles était d’un autre ordre, tout s’est retourné, le sol est devenu le ciel et grand papa a du reconstruire notre maison pour la remettre à l’endroit dans cet univers à l’envers…mais l’intérêt de tout ça c’est que votre grand père et moi , nous sommes les plus heureux du monde depuis toutes ces années que nous avons vécu dans notre petite parcelle de terrain retirée du reste de la planète et ça nous a permit de remettre à l’endroit tout ce qui était à l’envers dans notre vie… Grâce à cette magnifique explosion, nous n’avons jamais manqué de rien et l’amour a été pour nous le fil conducteur de notre existence…
-          Comme c’est beau, reprit mon frère, si tout le monde décrochait la lune par amour pour quelqu’un, comme le monde entier serait beau !
-          Et bien c’est  à chacun de suivre ce chemin, en attendant les enfants, il se fait tard, rentrez vite et revenez demain….
Nous partions à regret comme chaque fois que nous quittions ce jardin enchanté et retrouvions nos parents  qui se demandaient chaque fois ce que pouvait bien nous raconter nos grands parents, en voyant nos mines réjouis et nos airs rêveurs.