lundi 14 avril 2014

Écrivains dans un bocal, chapitre 4

Chapitre 4
Lieu : une cave
Action : l’héroïne doit entendre  ou voir quelque chose qu’elle n’aurait pas du
Contraintes d’écriture : elle doit évoquer un sujet d’actualité de la semaine en cours
Fin
L’incident du mariage n’est plus qu’un souvenir qui fait sourire et plaisanter Caroline et François  chaque fois qu’ils mentionnent ce moment. Il faut dire que depuis ce samedi soir, leur relation a pas mal évoluée, Ils se vouvoient toujours, mais rapprochent un peu les distances de subordonnée à patron par des remarques joyeuses et des fou-rires mémorables. Par contre Romuald est de plus en plus distant avec elle, il ne cache pas sa hargne de les voir complices et ne manque pas de faire des reproches de plus en plus souvent à Caroline. Rien ne va jamais pour lui. Heureusement depuis ce matin, elle a signé son contrat définitif et n’est plus en observation par ses deux patrons, mais bien embauchée en CDI et en « bonnet haute forme » comme s’amuse à lui rappeler François sur le ton de l’humour. Ce François, qui depuis qu’elle s’est retrouvée à danser avec lui, ne lui est plus tout à fait indifférent. Elle a adoré être dans ses bras, sa façon de la regarder, son parfum, et même ses maladresses lorsqu’il lui a marché sur le pied. A force de rapprocher des bouts de conversation qu’elle entend ici et là, elle a fini par comprendre qu’il est célibataire. Elle a même mené son enquête auprès du nouveau mari de son amie Sophie qui lui a apprit plein de choses à son sujet : En plus du vélo, il est assez sportif, court tous les dimanche matin, il vient de Paris et s’est installé à Reims depuis son divorce. Il a un fils de 17 ans qu’il ne voit que rarement. Impossible d’en savoir plus sur son ex-femme, mais qui dit « ex » dit une relation terminée… Enfin, plein de petits détails qui remplissent sa boite à secrets et lui permettent de s’envoler vers des contrées de rêves éveillés où François devient tour à tour l’ami, le confident, et parfois même l’amant. En attendant, elle a plein de rendez vous à honorer et depuis quelques jours, elle s’y rend toute seule, comme une grande, sans le chaperon de Romuald qui commence à comprendre qu’il la drague dans le vide. Leur dernier tour de clientèle ne s’est pas très bien passé, Il n’a pas arrêté de faire des allusions à la nouvelle relation de Caroline et François, la cherchant tant et si bien qu’elle a fini par le laissé en plan dans le dernier magasin de lingerie, en prétextant un énorme mal de tête.
De retour au bureau, Romuald a vite compris qu’elle lui faisait la tête, à défaut d’avoir la migraine et qu’il n’obtiendrait d’elle que mépris et silence. 
L’affaire entre eux a failli tourner au désastre quelques jours plus tard.
Caroline, depuis le début de son embauche dans cette boite, se pose des tas de questions sur le but réel de cette entreprise. L’entrepôt d’où partent les commandes est sans cesse fermé à clés, Romuald, qui s’occupe des livraisons, gère l’ouverture et la fermeture de la porte derrière le bureau, et Caroline n’est réellement entrée dans cette pièce qu’une fois ou deux, à peine le temps d’apercevoir les longues étagères où sont stockés les produits. Sa curiosité s’aiguise de plus en plus, les paquets sont lourds et si bien emballés qu’il est impossible de savoir ce qu’il y a dedans. Un soir, vers 17 heures, alors que ses deux patrons sont partis boire un café, juste en face du bureau, elle s’aperçoit que la porte est restée ouverte. Du coup, la voilà qui se faufile dans cette vaste salle, se dirige tout droit vers une petite porte sur le fond et entre dans une sorte de cave sans ouverture vers l’extérieur. Il fait si noir qu’elle se demande s’il est bien raisonnable de s’y aventurer, mais poussée par le désir de savoir ce qui se trame vraiment dans ces lieux, elle tâtonne à la recherche de l’interrupteur. Sa main trouve enfin le bouton et la pièce s’illumine à son contact. D’un coup, devant ses yeux s’étale  un véritable atelier. Bien  que  déserts et poussiéreux, elle se rend compte que les lieux sont occupés de temps en temps. Des mètres de tissus ornent les étagères, elle reconnait dans un coin de la pièce, quelques colis encore emballés livrés depuis peu… des patrons en carton ou en papier sont épinglés sur un métrage, étendu sur une grande table, une paire de ciseaux toute proche, prête à couper, deux machines à coudre industrielles prêtes à servir, et dans le fond de la salle, plusieurs portants remplis de porte manteaux occupés par des vêtements. Caroline s’approche doucement, oubliant qu’elle pourrait être découverte d’un moment à l’autre par un des associés. L’odeur de renfermé ne la dérange pas, elle se demande ce que font tous ces costumes pendus sur ces patères. Pourquoi tout cet étalage d’étoffes de couleurs vives et soyeuses. On dirait comme des costumes de théâtre, elle reconnait des robes d’époque ancienne, des gilets de gentilhomme,  les étagères du haut sont couvertes de vieux chapeaux tous aussi excentriques les uns que les autres.  Des châles sont pliés, repassés et en pile sur les étagères de dessous à proximité de chemises blanches à jabot en dentelle… Elle tourbillonne dans la pièce, oubliant sa crainte d’être découverte, elle passe d’un vêtement à l’autre surprise de la qualité du travail, envahie par l’ambiance que donnent tous ces habits d’un autre temps. L’évidence  lui saute aux yeux : C’est un atelier de fabrique de costumes de scènes… Mais pourquoi tout ce mystère ? Pourquoi une telle manufacture dans la cave de cette entreprise ?  Tout en tournant dans les lieux, elle n’a pas entendu le cliquetis de la porte mais le bruit qu’elle fait en se refermant brusquement la fait sursauter. La lumière s’éteint d’un coup, Caroline ne  retient pas son cri. En arrêt, comme un animal traqué, elle porte les mains à sa bouche, essaie de calmer les battements de son cœur, se tait et écoute les bruits aux alentours. Elle voudrait refaire le chemin inverse mais dans le noir elle peine à trouver sa route.  L’angoisse de se frotter à celui qui lui joue ce tour, la terrorise. Son esprit est emmuré dans des délires de plus en plus grand, comme la vision de celui dont on fait le procès actuellement. Encore ce matin, elle entendait aux information  le portrait de cet homme accusé d’avoir tué sa maitresse, un certain Maurice Agnelet, si ses souvenirs sont bons, c’est vrai que c’est un vieux meurtre, mais elle sait qu’il s’en passe tous les jours de bien plus sauvages et sa frayeur est à son comble, elle s’englue dans ses pensées et commence à paniquer vraiment. Son imagination, qu’elle a, en temps normal, débordante, ne se contrôle plus, elle sent que la terre va s’ouvrir sous ses pieds. Elle doit réagir et finit par se persuader que ce ne peut être qu’un tour d’un de ses patrons qui l’a surprise entrain de farfouiller, elle décide d’appeler.

-           François ? Romuald ? Je suis là, je suis désolée, je n’aurai pas du venir ici… je m’excuse, éclairez maintenant, je sors et oublie tout de suite ce que j’ai vu… Mais c’est peine perdue, personne ne lui répond. Elle continue son monologue, sentant de plus en plus la présence de quelqu’un près de la porte. Elle entend sa respiration, elle devine presque sa forme, elle ne sait plus si elle doit chercher à fuir ou s’avancer vers cette ombre.
-           Ca suffit maintenant, je crois que vous m’avez fait assez peur, allez, rallumez et je m’en vais dit-elle en tremblant et au bord des larmes.
 La lumière se rallume enfin, Caroline éblouie se retrouve face à Romuald. Il a l’air bizarre, un vilain rictus lui tord le visage, elle n’arrive pas à définir ce qu’il pense… Est-ce de l’amusement, de la colère ?
-           Romuald, vous m’avez fait une de ces peurs. Ne m’en veuillez pas, je retourne au bureau, dit-elle, sur un ton le plus neutre possible. Je vous garantie que je n’ai rien vu d’important, de toutes les façons je me moque bien de ce qui se trame ici.
Il ne répond pas tout de suite, se contente de la regarder, lui barre la route, ses yeux sont verts de gris et plein de morgue. Il semble à Caroline, que s’il pouvait, il lui lancerait des éclairs. Il est certain qu’il se moque bien de la peur qu’il lui vient de lui faire puis dans un ton mi-figue mi-raisin il finit par lui lancer :
-           Et bien, petite curieuse, je vois que l’avidité de savoir t’a mené dans la tanière de Barbe bleue. Sais-tu comment ont terminé les 7 femmes de ce brave barbu ?
-           Ne vous méprenez pas, Romuald, je…
-           Laisse moi finir, je ne pense pas que tu puisses avoir droit à la parole alors que tu as outrepassé mes ordres.
-           Mais ce n’est pas ce que vous croyez, essaie de plaider Caroline
-           Ca suffit ! s’écrie ce dernier. Je t’avais demandé de ne pas venir dans cette pièce, pour qui te prends-tu petite fouineuse ? Penses-tu que nous t’avons embauché pour fureter dans des endroits qui ne te regardent pas. Tu ne sais pas où tu viens de mettre les pieds…
Et s’approchant vivement de Caroline, il l’attrape par le poignet sans douceur et la traîne jusqu’à l’entrée de la cave.
-           Sors d’ici tout de suite avant que je ne change d’avis et que je ne te réserve un autre sort que celui de te mettre dehors.
Caroline ne perd pas de temps à discuter et court, traverse l’entrepôt pour retourner dans le bureau. C’est toute essoufflé qu’elle rentre tête première dans son autre patron qui s’étonne de sa fuite.
-           Et bien que vous arrive-t-il Caroline ?
Préférant jouer carte sur table avec lui, et certaine que Romuald va tout faire pour la licencier rapidement la voilà qui rétorque
-           Je crois que j’ai été un peu trop indiscrète, je ne sais pas ce qui se fait derrière la façade de votre société, mais je préfère vous donner ma démission et…
-           Votre démission ? Éclate de rire François, juste parce que ce cher Romuald a été démasqué ? Allons, venez prendre un café et calmez vous, vous avez droit à quelques explications. Je vais vous les donner, et tant pis pour mon cher collègue qui aurait du faire débarrasser les lieux depuis longtemps. Enfin, c’était notre deal d’il y a quelques mois, et tout est encore comme du temps de son père.
Interloquée par sa découverte, décontenancée par le discours de François, Caroline fond en larmes et se retrouve assise sur une chaise en hoquetant
-           Je ne voulais pas être indiscrète, je ne sais pas ce qui m’a prit, je regrette d’avoir poussé cette porte, je ne dirais rien à la police, je suis désolée, je vais rentrer chez moi et ….
-           …Et vous allez arrêter de délirer maintenant, la coupe François d’un ton un peu plus sec. Votre imagination est sans doute en pleine activité, mais je crains que vous ne puissiez comprendre ce qu’il en est sans mes explications. Et l’aidant à se lever, il la pousse gentiment vers la porte puis jusqu’au bistrot d’en face.
Attablée en face de lui, une bière bien fraîche lui redonne des couleurs. François attend poliment qu’elle se remette de ses émotions puis entame :
-           Le père de Romuald était un saltimbanque, enfin, il tenait un théâtre et avec sa troupe, jouait tous les soirs pour un public plutôt tolérant à mon goût. Romuald est du coup un peu artiste lui aussi, mais surtout un grand passionné de tout ce qui tourne autour de la scène. Il avait une admiration profonde pour son père et ne s’est jamais vraiment remis de son décès. Depuis, il passe beaucoup de temps dans cette « boutique » spéciale, et reprend un peu le travail de son père, comme lui, il confectionne des costumes qu’il essaie de vendre, sans trop de succès, à des salles de la ville ou d’ailleurs. Voilà, il n’aime pas en parler, encore moins avec une inconnue, qui plus est, une femme. Il ressent cette passion comme une faiblesse, son père n’a jamais vraiment percé dans le monde du théâtre, d’où la prolifération des costumes. Son savoir coudre lui vient de lui, tout petit il restait des heures à le regarder faire des habits Mais vu son côté macho, il a beaucoup de mal  à assumer ce hobby. Vous savez tout, maintenant si vous souhaitez toujours démissionner, je ne pourrais pas vous retenir, mais sachez que je le regretterai fortement.  
Caroline est abasourdie par ces curieuses révélations, elle relève le nez de son verre,  regarde son patron, il a l’air sincère et presque amusé de la situation. Ce Romuald lui a vraiment fait peur, comment continuer de travailler avec lui ? D’un autre côté, elle ne peut se cacher l’attirance qu’elle a pour son deuxième patron et elle doit bien réfléchir à ce qu’elle va dire.  Romuald semble être un drôle de personnage, à croire qu’il porte un masque le jour et un autre la nuit.  Reprenant tout à fait ses esprits, elle sourit à François.
-           Alors tous ces énormes colis qui arrivent régulièrement de plein de régions différentes, ce sont des rouleaux de tissus ?
-           Tout juste, il les fait venir par transporteur de plusieurs pays comme la Turquie ou le Maroc, selon ses besoins, et surtout les costumes qu’il veut créer. Le problème est la place et l’argent que tout cela prend, c’est pourquoi je lui ai demandé d’arrêter cette usine qui ne sert pas à grand-chose, sans compter l’énergie qu’il met à fabriquer des vêtements qu’il ne prend même pas la peine d’essayer de vendre. Y-a-t-il autre chose qui vous tracasse Caroline ? Vous voyez que la police n’a rien à faire dans cette histoire, Romuald est parfaitement en droit de perdre son temps à faire des déguisements…
-           J’ai vraiment dû vous paraître idiote, merci de m’avoir raconté tout ça
-           Et bien maintenant, c’est un peu comme si tu faisais partie de la famille, reprend-il en la tutoyant… on se tutoie du coup ? Enfin si ce n’est pas trop difficile de travailler avec des patrons qui deviennent aussi des amis.
-           Pas de problème, répond Caroline, Je crois qu’on va faire une super famille tous les trois, maintenant que je vous connais mieux. Et comme dirait Romuald : on va faire un tabac !
De retour au bureau, ils retrouvent Romuald, la tête dans les mains, le regard fuyant, comme un petit garçon prit au piège. Caroline s’approche de lui et d’un geste maternel, lui prend le visage entre les mains et lui claque une belle et grosse bise sur la joue.
-           Je trouve ça formidable Romuald et si tu n’y vois pas d’inconvénient, non seulement je reste votre commerciale, mais je me fais fort de trouver des acquéreurs pour les costumes, en plus des sous-vêtements… et puis j’adore coudre mais ne suis pas des plus douée, par faute de temps, tu m’apprendras à tes heures perdues ?
Romuald lui sourit, lui prend la main et dans un rire plus franc, il lance
-           J’avais justement besoin d’une essayeuse de costume alors pourquoi pas une assistante ?
Caroline sait à cet instant qu’elle vient de se faire un ami, et pourquoi pas un amant de François lorsqu’il aura enfin comprit ce qu’elle attend de lui.



dimanche 6 avril 2014

Écrivains dans un bocal chapitre 3

Episode 3 : on garde le même personnage, la même période
Mais les contraintes sont :
Le Lieu : une église
Action : l’héroïne doit provoquer un accident
La contrainte d’écriture proprement dite : il faut qu’apparaisse dans le texte ces 4 mots : salade, montagne, fraise, vélo

Chapitre 3

Le week-end arrive enfin, il faut dire que Caroline n’avait plus trop l’habitude de se lever régulièrement si tôt. Depuis quinze jours, elle mène un rythme d’enfer, enfin juste un rythme d’une employée auquel elle doit se faire. Curieusement ses parents ne sont pas vraiment heureux de la voir travailler. Caroline finit par se dire qu’ils n’étaient pas si mécontents de partager leur temps avec elle, entre un père qui se sauve à la pêche avec des copains constamment et une mère qui s’ennuie ferme chez elle, elle était un bon divertissement pour eux et redonnait un peu de vie dans cette grande maison. Mais bientôt, elle va pouvoir enfin se prendre en charge et réintégrer une vie normale, réinstaller son petit coin à elle et ne plus dépendre de ces chers parents qui lui pèsent un peu trop.
Une phrase de plus  l’a mis à l’envers ce matin lorsque Caroline a prévenu qu’elle n’était pas là aujourd’hui  suite à une invitation  au mariage de son amie Sophie. 
-           Et bien comme quoi tout peut arriver, si même Sophie se case enfin, ça devrait pouvoir t’arriver à toi aussi … réplique sa mère avant de replonger dans ses mots croisés.
Comment supporter encore longtemps ce genre de sarcasmes ?  Caroline se sauve plus qu’elle ne part et ravale ses larmes ainsi que les quelques paroles désobligeantes qu’elle lancerait bien à sa mère, fatiguée de l’entendre se lamenter sur tous les petits enfants qu’elle ne lui a pas encore fait…  
L’église est bondée, caroline est en retard, une habitude qu’elle doit vraiment combattre. Elle se faufile un peu, cherche des yeux les copines qui font partie de leur bande depuis leur jeunesse. Une blonde échevelée lui fait signe, et permet à Caroline de s’asseoir derrière un pilonne. Dommage, elle ne voit pas grand-chose du mariage, mais elle est contente à l’idée qu’elle a une chance de s’amuser ce soir. Et puis elle a plein de choses à raconter à ses amies qu’elle avait négligées ces derniers temps, déprimée qu’elle était et de mauvaise compagnie comme elle se plaisait à leur dire à chaque appel de leur part. Elle a enfin reprit un statut social, elle ne pointe plus au pôle emploi et sa vie est redevenue intéressante. Le sourire aux lèvres, c’est à peine si elle écoute le sermon du prêtre, elle s’autorise même à penser que la chance tournant pour elle, elle rencontrera peut-être enfin l’homme de sa vie et fera plein de petits enfants à sa mère. Si dans les églises, les pensées sont des prières, alors elle n’a pas fini de s’adresser aux anges et lorsque la musique de sortie s’élève, elle redescend sur terre et se sent toute guillerette.
-           Mais tu es resplendissante ! C’est cette mielleuse de Romane qui lui sort sa phrase fétiche, avec elle tout le monde resplendit, à croire qu’elle vit illuminée par ses rencontres, Caroline la délaisse très vite pour aller embrasser la mariée.
-           Félicitations ma chérie, lui souffle-t-elle dans la nuque en l’embrassant, comme je suis heureuse pour toi
-           Merci, merci, je suis sur un nuage et Cédric est le meilleur des hommes, répond celle qui venait de dire « oui » pour la vie. Je te souhaite le même bonheur Caroline. Tu sais où se situe la soirée ?
-           Oui, j’ai mis l’adresse sur mon GPS, ne t’en fais pas, je ne me perdrais pas, je ne resterai pas très tard tu sais...mais elle n’a pas le temps de finir sa phrase, la mariée est happée par le défilé des félicitations et Caroline se retrouve  sur le pavé de l’église un peu étourdie par tant de monde.
Une fois dans sa voiture, l’émotion qu’elle ressent est si forte qu’elle se retrouve inondée de larmes, elle sait bien que ce n’est pas le moment de se laisser aller, que son rimmel va couler, que ses yeux seront rouges d’ici deux minutes mais c’est plus fort qu’elle. Ce mariage la déstabilise, qu’est-ce que ce sera après quelques verres se dit-elle, en s’efforçant de faire disparaître sur son visage toute trace de tristesse. Allez, ma grande, reprend-toi, tu as une nouvelle vie devant toi et il doit bien exister sur terre un prince malheureux de ne pas rencontrer une princesse de trente cinq balais et de lui faire plein de gosses.
La soirée se poursuit lentement, Caroline est coincée entre une mamie qui a décidé de lui parler de ses petits enfants, les énumérant un par un, listant toutes leur qualités, les décrivant comme les plus beaux enfants du monde et le vieux tonton, ancien guide de montagne qui inlassablement lui parle des courses qu’il a fait quand il était jeune. Le nez dans sa salade de fruits, elle a hâte que ce repas se termine et trie les morceaux de fraises un par un, histoire de se donner une contenance et de faire passer le temps.
Enfin de la musique, la mariée entame quelques pas de valse avec son père, le marié avec sa mère. Les traditions ont la vie dure dans cette famille. Caroline s’est levée de table et se rapproche d’un groupe d’amis qu’elle connait depuis bien  longtemps.
-           Oh, Caro, tu étais où ? C’est quoi ce plan de table, on dirait que Sophie a tout fait pour séparer ses amis…
-           Pas si facile de contenter tout le monde, crie Caroline dans ce brouhaha, et tirant par la manche sa copine Bénédicte, elle l’entraîne dans la danse, viens s’égosille-t-elle, le disque-jockey a enfin compris, place aux jeunes…
Elle danse depuis quelques minutes, lorsque son regard s’arrête sur un homme qui vient de rentrer dans la salle. Caroline se retrouve dans la seconde qui suit, en arrêt, ces hommes ne sont autres que François et son cher associé qui le suit comme une ombre.
-           Aie, glisse-t-elle à l’oreille de Bénédicte, je ne veux pas voir ces deux hommes, ce sont  mes nouveaux patrons, je me demande bien ce qu’ils font là, je ne les ai pas vu à l’église tout à l’heure.
-           Je crois que le plus grand est un ami du marié, tu as enfin un travail ? Et tu fais quoi, cachotière ? Et sortant de la piste, les voilà se repliant dans un coin de la salle.
-           Tu es toute blanche, Caro, que t’arrive-t-il ?
-           Je ne me sens pas bien, je crois que je vais rentrer, et puis je ne tiens pas à me retrouver nez à nez avec eux.
-           Tu veux que je te raccompagne, tu n’as pas trop bu ? Ça va aller ?
-           Oui, oui, ne t’inquiète pas, je vais juste faire un tour, prendre un peu l’air.
-           Ok,  je retourne danser, lance Bénédicte qui l’abandonne près de la porte.
Caroline est dehors, elle respire un grand coup, elle n’est pas très sure d’avoir envie de se voir inviter à danser par ce Romuald qui lui fait suffisamment de gringue au bureau, sans en plus lui donner l’occasion de la peloter sur une piste de danse. Elle décide de partir et retournant dans la salle pour récupérer ses affaires, elle ne voit pas le fil électrique posé par terre. Elle se prend les pieds dedans, titube puis tombe et tirant sur le fil par sa maladresse, elle entraîne l’enceinte posée juste vers la sortie. Celle ci s’ébranle et finit par tomber sur une dame assise qui portait son verre à ses lèvres et ne se doutait pas qu’une baffe allait lui tomber sur la tête. Cette dernière surprise se met à crier,  Caroline, par terre elle aussi, se relève et se retrouve apostrophée par le mari de cette dame
-           Dites-donc, mademoiselle, vous ne pouvez pas faire attention, vous avez failli tuer ma femme
Dans la salle pleine de monde, le temps s’est arrêté, Caroline, rouge de confusion voudrait passer par le trou d’une souris et disparaitre, la musique est stoppée, les gens commencent à affluer vers la victime.
-           Je suis médecin, laissez moi passer, interpelle un homme qui s’approche de celle qui se plaint de la tête, j’ai bien peur qu’il faille vous emmener à l’hôpital, recevoir une masse pareille sur la tête peut provoquer un bon traumatisme. J’appelle les pompiers.
-           Je suis désolée, essaie de dire Caroline, mais personne ne l’entend, elle qui voulait partir discrètement, vient de provoquer un accident… elle a envie de pleurer, elle ne sait que faire. Se retournant vers son sac qu’elle attrape rapidement, elle marche le plus vite qu’elle peut vers la sortie. Un homme vient de la prendre par le bras, l’entraînant gentiment à l’extérieur, elle se laisse guider comme étourdie, elle n’a même pas vu que son genou saignait, elle veut juste s’en aller et rentrer chez elle.
-           Et bien, pour une surprise, c’est une surprise, et de taille avec tout ce vacarme, on peut dire que vous êtes un sacré trouble fête ce soir, sourit son cavalier… qui n’est autre que François. Allez, venez, en plus vous boitez, on va regarder ça. Ne vous en faites pas pour cette dame, elle n’est pas morte, elle vient juste de prendre une baffe, on s’en remet, croyez moi. Il faut dire qu’ils auraient pu éviter les fils qui trainent dans une soirée dansante, vous pourriez presque porter plainte contre le DJ.
Cette dernière remarque arrache un sourire à Caroline qui semble avoir perdu sa langue.
-           Caroline, je ne savais pas que vous connaissiez Paul, lui dit François, c’est un super copain, nous faisons du vélo ensemble depuis des années. Je ne vous avais jamais vu avec lui.
-           C’est peut-être parce que je suis amie avec Sophie, la mariée, lui rétorque Caroline en retrouvant ses esprits. Je suis vraiment navrée d’avoir provoqué cette catastrophe, je voulais juste prendre mon sac et partir.
-           Partir, alors que la fête ne fait que commencer… allons, écoutez, ils ont remis la musique, vous voyez, rien de bien grave, allez venez, je vous invite à danser, si votre jambe vous le permet évidemment.
-           Et bien, je ne sais pas, je suis un peu fatiguée et…
-           Pas de chichi, vous n’allez pas refuser une danse à votre nouveau patron… Et il l’entraîne dans un slow que vient tout juste de relancer le DJ…





mardi 1 avril 2014

Ecrivains dans un bocal chapitre 2

Suite de la nouvelle des écrivains dans un bocal : http://tudinescesoir.wordpress.com
Contrainte du chapitre 2
Lieu : un magasin de  bricolage
Action : votre héroïne fait une découverte et doit évoquer l’auteur suédois Henning Mankell

Chapitre 2
Petit tailleur noir, chemisier blanc col Claudine, Caroline arrive essoufflée à son  nouveau travail. Elle est à l’essai depuis quinze jours chez Romuald et François, ses deux patrons et est devenue pour eux leur commerciale exclusive. Cette société vend des sous-vêtements que ses patrons font venir de Taiwan et qu’ils revendent à  prix d’or comme le nec plus ultra de la mode  du moment. Dentelle, petits boutons nacrés, soutien-gorge et nuisettes non presque plus de secret pour elle. Les gammes sont diversifiées et les couleurs variés, tout cela pour dire qu’elle n’a guère le temps de s’ennuyer depuis son arrivée dans cette boite.
Elle relève de moins en moins ses cheveux qui tombent en cascade sur ses épaules, elle s’habille plus « féminine » comme le lui a demandé Romuald lors de leur entretien éclair dans un bar. Elle a d’ailleurs bien remarqué les regards en coin que lui jette ce dernier lorsqu’elle passe la porte le matin, elle a presque l’impression qu’elle est nue, tant il l’a déshabille du regard et depuis quinze jours qu’elle est là, elle ne s’y habitue pas vraiment. Mais elle est prête à faire l’effort de ne rien dire tant elle est heureuse d’avoir son bureau. Quel bonheur de se retrouver dans le monde du travail, elle n’arrive toujours pas à croire à sa chance, elle devrait pouvoir prendre un appartement pour elle toute seule d’ici peu, en tous les cas à la fin de cette période d’essai qui se passe pas trop mal. Elle occulte volontairement tout ce qui la dérange et ne veut pas trop chercher à comprendre d’où vient la marchandise. Elle a bien découvert des petites choses un peu louches, comme des adresses bizarres sur les paquets qui arrivent presque tous les jours, la forme des colis qui ne semblent pas forcément contenir des sous-vêtements, et cette interdiction formelle de la part de Romuald d’ouvrir les emballages et de rester trop longtemps dans l’entrepôt lui laisse penser que tout n’est pas vraiment net dans cette société.  Aura-t-elle un jour l’explication à ces mystères ? Tout ce qu’elle sait pour le moment est dans le dossier que lui a remis Romuald.  Un dossier qui explique simplement le travail qu’elle doit faire et la liste des magasins de lingerie à appeler, à qui elle doit proposer les produits et décrocher des rendez-vous qu’elle honorera au début avec l’un de ses patrons, puis toute seule quand ils la lâcheront comme une grande dans la jungle de la vente. Elle a une liste de tous les magasins de la région et commence à remplir son carnet de rendez-vous à force de coup de fil et de persuasion. Dans tous les cas, elle a besoin de ce travail et remet à plus tard une enquête qui pourrait ne lui amener que des ennuis.
Caroline est plongée dans l’ordinateur et ne voit pas Romuald appuyé au chambranle de la porte en observation depuis quelques minutes. Lorsqu’elle se retourne, leurs regards se croisent, il la dévisage carrément et Caroline baisse les yeux, comme elle le fait chaque fois. Elle ne va tout de même pas se plaindre qu’un homme s’intéresse à elle, ça fait bien trop longtemps que cela n’est pas arrivé, alors elle se contente de rougir un peu et reprend contenance quand Romuald lui lance :
-          Caroline, aurais-tu la gentillesse de faire une course pour nous, François et moi sommes entrain de monter l’étagère pour l’entrepôt et il nous manque quelques vis.
-          Oui,  bien sur, j’y vais… le magasin de bricolage est tout prêt, j’en ai pour une seconde
-          Mets ce que tu prendras sur le compte, on t’attend, merci Caroline.
Il avait dit merci en traînant un peu sa voix et dans un sourire mielleux tout en lui glissant dans la main un exemplaire d’une vis… et du coup, elle se demande si leur relation ne prend pas un tour un peu dangereux. Mais elle tient tant à sa place qu’elle ne veut surtout pas s’offusquer et prenant son sac, elle lui passe devant, il se recule d’un pas et ne se gène pas pour suivre son déhanchement d’un regard sans vergogne.
-          Quel drôle de type, pense-t-elle… je préfère son associé, au moins lui me respecte et ne me reluque pas ainsi.
Une fois à Bricorama, la voilà qui oublie son trouble et circulant dans les rayons elle cherche les vis en question. Comme celles qu’il lui faut sont sur la dernière étagère, elle monte sur la pointe des pieds, et essaie d’attraper ce qu’elle est venue chercher. Bien occupée à ne pas perdre l’équilibre, montant le pied sur le rayon du bas, elle ne voit pas l’ombre qui s’approche d’elle et du coup, sursaute lorsqu’une main vient se poser sur sa taille.
-          Laisse moi t’aider, la surprend Romuald, je t’ai suivi, je n’étais pas certain que tu trouverais et…
Vraiment surprise, Caroline descend précipitamment de son escabeau de fortune,  se recule d’un geste vif, se dégage rapidement, et s’exclame :
-          Mais j’aurai trouvé toute seule, pourquoi m’envoyer vous chercher des visses si vous venez avec moi ?
-          Je me suis dit que ce pouvait être l’occasion de se voir en dehors du magasin, François est tellement souvent derrière nos basques, j’ai bien vu que cela te gênais et que tu ne peux pas vraiment répondre à mes œillades… non ?
-          Quelles œillades ?, je suis chez vous pour travailler, pas pour flirter il me semble
-          Oui, bien sur, mais les deux ne sont pas incompatible et puis il me semble que l’on s’est plu tout de suite non ? au bar déjà j’ai bien remarqué comment tu me regardais et comment tu avais envie que je t’embauche, d’ailleurs dans l’intimité tu peux me tutoyer…
-          L’intimité, quelle intimité ? J’ai seulement besoin d’un travail, je crois que vous vous m’éprenez, je dois retourner au bureau, j’ai des coups de fil à passer !
Et sur cette dernière phrase, elle s’avance vers le comptoir, pose la boite sur le tapis roulant en demandant à la caissière de mettre cela sur le compte de la société R & F. Récupérant ses achats, elle sort précipitamment et essaie de devancer Romuald pour entrer au bureau le plus rapidement possible. Peine perdue, il est déjà là, à lui ouvrir la porte… choisissant l’humour pour éviter de laisser s’installer entre eux un malaise, elle se force un peu à sourire et lui rétorque :
-          Vais-je devoir faire appel aux services du commissaire Vallander ?
-          de qui parles-tu ? répond Romuald étonné,
-          De rien, de rien, je plaisantais, j’invoquais l’aide du héros d’un auteur de livre policier
-          De quoi parlez-vous ? intervint François qui les voyant rentrer, s’avance vers eux,  tu t’intéresses à la lecture Romuald ? c’est nouveau ça….
-          Oh, je faisais référence à un de mes héros favoris, le commissaire Wallander, mais il semble que François ne le connaisse pas.
-          Le commissaire Wallander ? ah, super, j’adore les romans  de Henning Mankell, vous avez des lectures sympas Caroline, il faudra qu’on en parle, reprend François et attrapant par le bras Romuald, dont la mou prouve sa déception de n’avoir pu répondre à Caroline lui même, il lance à son collègue :
-          Tu viens, on a du boulot sur la planche nous, merci Caroline, on vous laisse à vos commandes…

Caroline de nouveau à son bureau est méditative. Cette place lui plait, le travail est ce qu’elle aime et ce qu’elle sait faire, mais ce type lui fait un peu peur… arrivera-t-elle à résister à ses avances ? Et puis sa façon de la tutoyer alors que son autre patron la vouvoie, est-ce bien normal ? Elle a hâte d’être embauchée définitivement afin de pouvoir s’imposer un peu plus et mettre du coup un terme à ce malaise. En attendant, elle aussi a du boulot sur la planche.