Suite de la nouvelle des écrivains dans un bocal : http://tudinescesoir.wordpress.com
Contrainte du chapitre 2
Lieu : un magasin de
bricolage
Action : votre héroïne
fait une découverte et doit évoquer l’auteur suédois Henning Mankell
Chapitre 2
Petit tailleur noir, chemisier blanc col Claudine, Caroline
arrive essoufflée à son nouveau travail.
Elle est à l’essai depuis quinze jours chez Romuald et François, ses deux
patrons et est devenue pour eux leur commerciale exclusive. Cette société vend
des sous-vêtements que ses patrons font venir de Taiwan et qu’ils revendent à prix d’or comme le nec plus ultra de la
mode du moment. Dentelle, petits boutons
nacrés, soutien-gorge et nuisettes non presque plus de secret pour elle. Les
gammes sont diversifiées et les couleurs variés, tout cela pour dire qu’elle
n’a guère le temps de s’ennuyer depuis son arrivée dans cette boite.
Elle relève de moins en moins ses cheveux qui tombent en
cascade sur ses épaules, elle s’habille plus « féminine » comme le
lui a demandé Romuald lors de leur entretien éclair dans un bar. Elle a d’ailleurs
bien remarqué les regards en coin que lui jette ce dernier lorsqu’elle passe la
porte le matin, elle a presque l’impression qu’elle est nue, tant il l’a
déshabille du regard et depuis quinze jours qu’elle est là, elle ne s’y habitue
pas vraiment. Mais elle est prête à faire l’effort de ne rien dire tant elle
est heureuse d’avoir son bureau. Quel bonheur de se retrouver dans le monde du
travail, elle n’arrive toujours pas à croire à sa chance, elle devrait pouvoir
prendre un appartement pour elle toute seule d’ici peu, en tous les cas à la
fin de cette période d’essai qui se passe pas trop mal. Elle occulte
volontairement tout ce qui la dérange et ne veut pas trop chercher à comprendre
d’où vient la marchandise. Elle a bien découvert des petites choses un peu
louches, comme des adresses bizarres sur les paquets qui arrivent presque tous
les jours, la forme des colis qui ne semblent pas forcément contenir des
sous-vêtements, et cette interdiction formelle de la part de Romuald d’ouvrir
les emballages et de rester trop longtemps dans l’entrepôt lui laisse penser
que tout n’est pas vraiment net dans cette société. Aura-t-elle un jour l’explication à ces
mystères ? Tout ce qu’elle sait pour le moment est dans le dossier que lui
a remis Romuald. Un dossier qui explique
simplement le travail qu’elle doit faire et la liste des magasins de
lingerie à appeler, à qui elle doit proposer les produits et décrocher des
rendez-vous qu’elle honorera au début avec l’un de ses patrons, puis toute
seule quand ils la lâcheront comme une grande dans la jungle de la vente. Elle
a une liste de tous les magasins de la région et commence à remplir son carnet
de rendez-vous à force de coup de fil et de persuasion. Dans tous les cas, elle
a besoin de ce travail et remet à plus tard une enquête qui pourrait ne lui
amener que des ennuis.
Caroline est plongée dans l’ordinateur et ne voit pas
Romuald appuyé au chambranle de la porte en observation depuis quelques
minutes. Lorsqu’elle se retourne, leurs regards se croisent, il la dévisage
carrément et Caroline baisse les yeux, comme elle le fait chaque fois. Elle ne
va tout de même pas se plaindre qu’un homme s’intéresse à elle, ça fait bien
trop longtemps que cela n’est pas arrivé, alors elle se contente de rougir un
peu et reprend contenance quand Romuald lui lance :
-
Caroline, aurais-tu la gentillesse de faire une
course pour nous, François et moi sommes entrain de monter l’étagère pour
l’entrepôt et il nous manque quelques vis.
-
Oui, bien
sur, j’y vais… le magasin de bricolage est tout prêt, j’en ai pour une seconde
-
Mets ce que tu prendras sur le compte, on
t’attend, merci Caroline.
Il avait dit merci en traînant un peu sa voix et dans un
sourire mielleux tout en lui glissant dans la main un exemplaire d’une vis…
et du coup, elle se demande si leur relation ne prend pas un tour un peu
dangereux. Mais elle tient tant à sa place qu’elle ne veut surtout pas
s’offusquer et prenant son sac, elle lui passe devant, il se recule d’un pas et
ne se gène pas pour suivre son déhanchement d’un regard sans vergogne.
-
Quel drôle de type, pense-t-elle… je préfère son
associé, au moins lui me respecte et ne me reluque pas ainsi.
Une fois à Bricorama, la voilà qui oublie son trouble et
circulant dans les rayons elle cherche les vis en question. Comme celles
qu’il lui faut sont sur la dernière étagère, elle monte sur la pointe des
pieds, et essaie d’attraper ce qu’elle est venue chercher. Bien occupée à ne
pas perdre l’équilibre, montant le pied sur le rayon du bas, elle ne voit pas
l’ombre qui s’approche d’elle et du coup, sursaute lorsqu’une main vient se
poser sur sa taille.
-
Laisse moi t’aider, la surprend Romuald, je t’ai
suivi, je n’étais pas certain que tu trouverais et…
Vraiment surprise, Caroline descend précipitamment de son
escabeau de fortune, se recule d’un
geste vif, se dégage rapidement, et s’exclame :
-
Mais j’aurai trouvé toute seule, pourquoi
m’envoyer vous chercher des visses si vous venez avec moi ?
-
Je me suis dit que ce pouvait être l’occasion de
se voir en dehors du magasin, François est tellement souvent derrière nos
basques, j’ai bien vu que cela te gênais et que tu ne peux pas vraiment
répondre à mes œillades… non ?
-
Quelles œillades ?, je suis chez vous pour
travailler, pas pour flirter il me semble
-
Oui, bien sur, mais les deux ne sont pas incompatible
et puis il me semble que l’on s’est plu tout de suite non ? au bar déjà
j’ai bien remarqué comment tu me regardais et comment tu avais envie que je
t’embauche, d’ailleurs dans l’intimité tu peux me tutoyer…
-
L’intimité, quelle intimité ? J’ai seulement
besoin d’un travail, je crois que vous vous m’éprenez, je dois retourner au
bureau, j’ai des coups de fil à passer !
Et sur cette dernière phrase, elle s’avance vers le
comptoir, pose la boite sur le tapis roulant en demandant à la caissière de
mettre cela sur le compte de la société R & F. Récupérant ses achats, elle
sort précipitamment et essaie de devancer Romuald pour entrer au bureau le plus
rapidement possible. Peine perdue, il est déjà là, à lui ouvrir la porte…
choisissant l’humour pour éviter de laisser s’installer entre eux un malaise,
elle se force un peu à sourire et lui rétorque :
-
Vais-je devoir faire appel aux services du
commissaire Vallander ?
-
de qui parles-tu ? répond Romuald étonné,
-
De rien, de rien, je plaisantais, j’invoquais
l’aide du héros d’un auteur de livre policier
-
De quoi parlez-vous ? intervint François
qui les voyant rentrer, s’avance vers eux,
tu t’intéresses à la lecture Romuald ? c’est nouveau ça….
-
Oh, je faisais référence à un de mes héros
favoris, le commissaire Wallander, mais il semble que François ne le connaisse
pas.
-
Le commissaire Wallander ? ah, super,
j’adore les romans de Henning Mankell,
vous avez des lectures sympas Caroline, il faudra qu’on en parle, reprend François
et attrapant par le bras Romuald, dont la mou prouve sa déception de n’avoir pu
répondre à Caroline lui même, il lance à son collègue :
-
Tu viens, on a du boulot sur la planche nous,
merci Caroline, on vous laisse à vos commandes…
Caroline de nouveau à son bureau est méditative. Cette place
lui plait, le travail est ce qu’elle aime et ce qu’elle sait faire, mais ce
type lui fait un peu peur… arrivera-t-elle à résister à ses avances ? Et
puis sa façon de la tutoyer alors que son autre patron la vouvoie, est-ce bien
normal ? Elle a hâte d’être embauchée définitivement afin de pouvoir
s’imposer un peu plus et mettre du coup un terme à ce malaise. En attendant,
elle aussi a du boulot sur la planche.
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