Et oui, je t’aime, c’est
dingue non ? C’est fou de t’aimer encore et encore, j’ai envie de le crier
sur les toits, mais le notre est bien trop haut, je n’arrive pas à monter,
pourtant j’essaie, le mieux serait peut-être que je passe par la cheminée…
Je m’accroche aux parois, les
deux pieds fermement cramponnés sur les briques, je me hisse de toutes mes forces, les doigts
déchirés par les aspérités des murs intérieurs de ce foyer…je m’aide de tout
mon corps pour grimper encore plus haut, le ciel me nargue de sa hauteur mais je
monte encore et encore, je ne vois toujours pas le bout de cet âtre, le
firmament se rapproche pourtant, il ne doit pas être si loin, le toit de notre
amour, est-il vraiment si grand notre Amour,
qu’il soit impossible d’en atteindre le toit ?
Et pourtant je monte, je
monte toujours, j’ai un peu peur, je n’ose
pas regarder en bas, la tête me tourne, il commence à faire froid dans
cette tour infernale, je me sens comme un ramoneur ramoné, comme un sonneur
sonné, et je suis la suie qui m’enduit de sa noirceur, mes narines s’en
emplissent, je ris d’avance d’imaginer la nouvelle couleur de ma peau et mes
yeux tout blancs dans ce visage sale.
J’arrive enfin au sommet de ce donjon et je
manœuvre de mes bras pour me hausser sur le rebord… ouf, je reprends mon
souffle, respire l’air de la nuit
qui n’est plus très loin, je
vois un bout de lune qui pointe à l’horizon, le soleil, lui, remonte son grand
drap noir sur son sommeil, ça y est, je crois qu’il dort presque, il fait tout
noir, cette fois, du coup j’ai vraiment peur.
Je n’ose plus bouger, en bas il y a de toutes
petites lumières qui bougent comme des feu-follet, au-dessus de moi, je ne vois
rien, je ne suis plus rien dans cette immensité obscure. Je suis seule, je me
noie dans une eau froide, je suis dans la mer morte, je désespère de
redescendre un jour, pourtant je ne faisais rien de mal, je cherchais juste le
toit de notre amour, mais il est si grand notre Amour, que nul ne peut en faire
le tour…
Et merveille, j’ai vu loin
dans la nuit, sur le toit d’à côté, sortant d’une cheminée, une silhouette se hisser, des yeux me regarder, une bouche me parler, un cri
appeler mon prénom, un profil avancer doucement, prudemment, d’un toit à
l’autre, d’une tuile à l’autre, une main se tendre vers la mienne, puis la
happer rapidement. J’ai alors senti sa
chaleur se répandre dans tout mon corps, ce corps engourdi de peur, engourdi de
froid et de pleurs, ce corps qui reprenait vie, et j’ai alors reconnu la douceur
de ta peau, la chaleur de ta main, la lueur de ton regard, la forme de ta
bouche, tu avais toi aussi suivit un
conduit de cheminée qui t’avait conduit tout droit sur le toit de notre amour.
Nous nous sommes regardés
enfin, nous étions les mêmes mais en négatif, nos deux visages couleur ébène se
dévisageaient et lorsque tu m’as souri, tes petites dents blanches sont
devenues mille étoiles scintillantes… mon fou-rire a remplacé ma peur, nos deux
mains se sont liées plus fort et sur le toit de notre amour, assis sur l’encadrement
de cette cavité que je venais d’escalader, j’ai su que c’était avec toi, pour
la vie… que je voulais cheminer !
L'amour est quand même ce qui permet au monde de tenir à peu près droit!
RépondreSupprimerC'est bien vrai ça ma Célestine...
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